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L’EMPEREUR GUILLAUME II
ET
SES VUES SUR LA RÉFORME DE l’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

Dès les premiers jours de son règne, l’empereur Guillaume II s’est imposé à l’attention de l’Europe; rien de ce qu’il fait, rien de ce qu’il dit ne paraît indifférent. Les premiers actes de son gouvernement ont révélé un caractère; il peut dire, comme les gentilshommes de Calderon : Je suis celui que je suis. La plupart des jeunes souverains ont des commencemens obscurs et confus; ils s’étudient, ils se tâtent, ils se sondent; ils cherchent leur voie, ils éprouvent le besoin de faire leurs années d’apprentissage et ils demandent qu’on ne les juge pas sur leurs coups d’essai. Guillaume II a procédé tout autrement. Il s’est senti de très bonne heure: une sorte d’inspiration ou d’instinct naturel lui a fait reconnaître sur-le-champ ce qu’il voulait être, ce qu’il voulait faire. A la précocité du jugement, il joint l’assurance, l’accent de certitude et ce noble orgueil qui veut être honoré comme il s’honore.

Il avait acquis tout de suite et la pratique et les maximes du gouvernement. Il s’était convaincu que, dans le nouvel empire germanique, l’empereur est la première des institutions, que tout doit partir de lui, que tout doit se rapporter à lui, qu’il est le centre de tout et que partout son influence et sa volonté personnelles doivent se faire sentir. Il a donné l’autre jour son portrait à son ministre de l’instruction publique; il avait écrit au-dessous : Sic volo, sic jubeo. Il veut, il ordonne; ce n’est pas seulement son droit, c’est son devoir. Les Romains, qui ont inventé et créé la politique impériale, estimaient que toute la grandeur de la chose romaine s’incarnait dans l’empereur. « C’est dans l’empereur que nous existons, disait Pline; c’est en lui