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assassins. » La vieillesse, en effet, se caractérise par l’insensibilité, la tendance au délire de la persécution, qui engendrent l’homicide, tandis que la folle jeunesse procrée des enfans gais, conduits par leur gaîté même et par leur ardeur exubérante au vol, dans lequel ils trouvent la satisfaction de leur penchant au plaisir. C’est, par excellence, le roman de la statistique.

Mais il ne faut voir là sans doute qu’une cause médiate de la criminalité, puisque le même anthropologue réduit les facteurs du délit, dans la conclusion de son ouvrage sur les Caractères des délinquans, à une seule cause organique prépondérante, suffisante pour expliquer l’instinct criminel et les diverses anomalies physiologiques ou psychiques, présentées par les délinquans nés : le défaut de nutrition du système nerveux central. Les effets de cette insuffisance sont variés et se manifestent tantôt par une faiblesse générale qui ne permet ni de supporter une fatigue morale ni d’opposer une résistance aux mauvaises impulsions, tantôt par un état psychique particulier : penchant à la colère, esprit exagéré de vengeance, ardeur excessive des passions, absence totale de sentimens altruistes, état que M. Marro désigne sous le nom bizarre de « polarisation cérébrale. » Il ne s’agirait donc plus que d’arrêter, par l’emploi de procédés hygiéniques et par la distribution de certains remèdes, la diminution des matériaux propres à réparer la déperdition de la substance nerveuse. Nous touchons à la dernière théorie de M. Lombroso.

Le criminel ne serait décidément qu’un épileptique. Tel fut le système développé dans une édition nouvelle de l’Uomo deliquente, sur laquelle a été rédigée la traduction française : il y était exposé dans un nouveau chapitre que la folie morale et la criminalité innée, se rattachant à l’épilepsie comme à leur source commune, ne sont en quelque sorte que des états épileptoïdes. Cette idée a été reprise et développée par M. Lombroso dans le second volume de l’Uomo delinquente, publié en 1889. L’illustre professeur arrive, en 1890, dans son dernier livre, à des conclusions de plus en plus nettes. « Le problème le plus important, dit-il, résolu seulement à moitié au congrès de Rome, celui de la concomitance de l’épilepsie avec la criminalité congénitale, a été maintenant complété par les études de Verga, Pinero, Brunati, Marro, Gonzalès, Tonnino, Lucas et par les miennes. » D’abord on a constaté chez les criminels, dans une proportion qui varie fort, il est vrai, selon les observateurs (tantôt 12 ou 14 pour 100, tantôt 33 pour 100), des cas d’épilepsie convulsive. Puis les cheveux des criminels et des épileptiques tombent et blanchissent plus tard que ceux des honnêtes