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heureux pouvait être roi. Les supplices atroces qui, au Forum Amastrianum, déchiraient les conspirateurs malheureux ne décourageaient pas les autres ; on pouvait toujours espérer être plus habile ou mieux servi par la fortune.


II.

Le souverain de Byzance procédait, à certains égards, de l’Imperator de Rome ; mais, à Byzance, le caractère civil du pouvoir tend à prévaloir sur le caractère militaire. L’empire, suivant l’expression de Finlay cesse d’être « la propriété des légions avec l’empereur pour agent comptable. » La prépondérance passe des hommes d’épée aux hommes de loi, d’église, d’administration, de palais, de harem ; les armées sont fréquemment commandées par des eunuques. Dès le IVe siècle, Léon Ier tout Isaurien (c’est-à-dire presque un barbare) et tout militaire qu’il fût, formulait ce vœu : « Puisse la solde de nos troupes revenir toujours à des docteurs! » Nous sommes loin de Septime-Sévère, dont les dernières paroles à ses fils furent : « Faites tout pour les soldats. » — Sans doute, la situation dangereuse de l’empire imposait souvent aux empereurs l’obligation de commander en personne les armées : beaucoup de souverains furent avant tout de vaillans soldats ; mais presque tous les princes guerriers étaient des hommes nouveaux, arrivés par la force, obligés de se soutenir par la victoire. Dès que la dynastie paraît fondée, si le danger extérieur n’est pas trop pressant, l’empereur délègue le commandement des armées : ni Léon VI, ni Constantin Porphyrogénète, par exemple, le fils et le petit-fils du belliqueux Basile Ier ne firent suspendre à la porte de leur palais le bouclier, la cuirasse d’or et le glaive qui annonçaient leur prochain départ pour l’armée. Toute cette maison macédonienne, à part le Bulgaroctone, fut une lignée de princes lettrés et sédentaires. Il s’était même répandu la croyance à une prétendue loi du Basileus Théophile, interdisant aux empereurs de paraître à l’armée. Sous cette dynastie, qui compta aussi des règnes de femmes, les exploits militaires furent accomplis non par les souverains légitimes, non par les porphyrogénètes, issus du sang de Basile Ier, mais par des empereurs qui s’étaient imposés à ceux-là comme tuteurs, comme associés, comme maris des princesses porphyrogénètes, et qui, ayant leur fortune à faire ou leur intrusion à justifier, se battaient comme des soldats. Tels furent Romain Lécapène, Nicéphore Phocas, Jean Zimiscès, Romain Argyre, qui régnèrent sans que la dynastie légitime fût détrônée. En règle, le pouvoir impérial est surtout un pouvoir civil. Les cérémonies du palais, sur lesquelles Constantin