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par le nombre comme par les qualités de leurs œuvres : M. Brandon, qui a consacré sa vie à l’étude des synagogues et à la représentation des cérémonies du culte juif ; M. John-Lewis Brown, qui s’est voué à l’équitation, au turf, aux haras, qui ne vit qu’avec les entraîneurs, les jockeys, les gentlemen-riders. Le premier est un dessinateur correct, classique, plein de tenue, un peintre grave et attentif, un peu triste ; l’autre, au contraire, est un coloriste capricieux, romantique, agité, un peintre joyeux, vif, inégal et gai, qui connaît, comme pas un, ses bêtes et ses gens, et adore, pardessus le marché, le paysage et le soleil. L’un médite, l’autre improvise. Tous deux sont des artistes intéressans, aux deux pôles de la peinture ; mais le dernier, comme on dit, est bien plus dans le train.


III

Plusieurs des peintres de genre cités plus haut joignent, nous l’avons vu, à leurs scènes de mœurs, d’agréables et de bons portraits. Quelques paysagistes en font autant. Quant aux portraitistes de profession, ils abondent. Au Champ de Mars comme aux Champs-Elysées, par la quantité, presque autant que par la qualité, c’est donc le portrait qui domine, et, avec le portrait, la tête d’étude, ou, comme on disait autrefois, la tête d’expression. Le catalogue annonce seulement deux portraits de M. Ribot ; mais, en réalité, ses huit autres peintures ne sont que des études de têtes, isolées ou groupées, avec une recherche plus ou moins marquée, de physionomies expressives, sous un prétexte quelconque. Tous ces morceaux de bravoure, Au Sermon, les Titres de famille, les Perles noires, la Tricoteuse, etc., sont brossés avec la vigueur qu’on sait, dans une pâte forte et généreuse, éclatante et rutilante dans les chairs sanguines, blanchâtres ou couperosées, extrêmement sombre dans les vêtemens noirs et dans les fonds obscurs. C’est le système un peu brutal des Bolonais, de Caravage, de Ribera, repris, dans toute sa simplicité, avec moins d’imagination, mais avec une énergie robuste. M. Ribot y joint, de son cru, certains accens souples et piquans dans les clairs qui donnent à chaque morceau de cette collection à l’aspect monotone une valeur d’art réelle et durable. Il est certain, d’ailleurs, que cette manière unique de regarder la nature, ce parti-pris de l’examiner sans cesse sous le même jour et sous un jour préparé, n’est pas fait pour ouvrir de vastes horizons à la peinture. C’est le régime cellulaire, et, à moins d’être Rembrandt, trop paysagiste, trop passionné, trop