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de l’artiste s’y montrent moins que dans ses études de paysages. M. Frappa reste encore vulgaire et commun dans son Bureau de nourrices, malgré la bonne observation des types, mais il a peint un bon portrait, le Portrait de Mme B… Voici enfin MM. Toulmouche et Firmin-Girard qu’on ne s’attendait guère, en vérité, à rencontrer dans cette affaire. M. Toulmouche, il est vrai, résiste avec une conviction absolue au débordement d’impressionnisme environnant ; il continue à habiller avec le soin extrême qu’on lui connaît, dans des intérieurs riches et bien soignés, de jolies personnes, dames ou demoiselles, d’un tempérament calme et d’une correction irréprochable, en robes de satins luisans, au milieu d’un mobilier Louis XVI. La Consolation et l’Avenir nous reportent vers d’autres temps et vers un autre art. Cette correction imperturbable des mobiliers, des toilettes, des visages, semble aujourd’hui un peu froide, même dans le milieu mondain où se place M. Toulmouche, dans ce milieu qu’il connaît si bien, mais que le goût du mouvement, de la couleur, de la vie a déjà bien pénétré et transformé. M. Firmin-Girard serait-il lui, plus ébranlé dans ses habitudes de patience méticuleuse ? Il semble croire, à son tour, qu’une bonne enveloppe de lumière et qu’une honnête liberté dans le rendu donnent plus de charme et plus de vie à la peinture. Ses Chaumières à Onival-sur-Mer, son Givre, ses Charbonniers montrent en lui un meilleur paysagiste qu’on ne croyait.

Les voisinages et les camaraderies du Champ de Mars n’auront pas été peut-être inutiles à d’autres dessinateurs attentifs et sérieux, mais qui tombaient aisément dans la froideur, la sécheresse ou la minutie. Il faut hurler avec les loups, il faut brosser avec les brosseurs, il faut improviser avec les improvisateurs. Un peu de hâte n’a pas nui à M. Aublet non plus qu’à M. Rosset-Granger qui se précipitent, un peu vite peut-être, du côté des éclairages à la mode, mais qui semblent mieux dégager, dans cet effort rapide, l’un ses qualités d’observation fine, l’autre ses qualités de décorateur. M. Aublet étudie surtout les Parisiens et Parisiennes au bord de la Manche. M. Rosset-Granger les rencontre en Provence. Dans son Soir de fête, deux jeunes filles, dans un jardin au bord de la mer, allument des lanternes vénitiennes. Vous voyez d’ici toutes les complications : lueurs des flammes sous les papiers rouges, lueurs du ciel crépusculaire, reflets dans les verdures, reflets sur les eaux. C’est aussi dans leurs villégiatures que MM. Duez et Roger Jourdain comprennent le mieux leurs contemporains et contemporaines. M. Duez est, de tous, le peintre le plus franc et le plus vit ; son Café sur la terrasse est une fort jolie étude. Parmi ces petits peintres de mœurs, deux méritent une attention spéciale