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une femme nue, plus jaune encore, entourée de lueurs, accourant au galop ; derrière elle, accourent d’autres femmes, encore très vagues, d’aspects étranges et de types exotiques. C’est, paraît-il, la Vérité, entraînant les Sciences à sa suite, qui répand la lumière sur les hommes. Jusqu’à présent, nous avions cru que c’étaient les Sciences qui découvraient la Vérité, puisque c’est là leur unique objet, et non la Vérité qui découvrait les Sciences. Mais, en fait d’allégories, il ne faut pas être bien exigeant, la plupart reposant sur des jeux de mots. Va donc pour la Vérité entraînant les Sciences et répandant sa lumière ! Mais M. Besnard nous refuse-t-il l’espérance de voir une Vérité mieux construite et mieux portante, répandant une lumière moins artificielle, des Sciences plus saines aussi et mieux caractérisées ? Nous voulons croire que non. L’œuvre n’est qu’esquissée, bien disposée au point de vue de l’ordonnance, sinon de la beauté de la lumière, et le mouvement des figures n’a rien d’excessif non plus que de banal. Il est encore temps pour l’artiste de faire de ce plafond une bonne œuvre décorative. Était-il toutefois bien nécessaire de mettre le public dans la confidence d’une préparation si insuffisante qu’elle lui prête à rire plus qu’à admirer et sur laquelle, d’ailleurs, il ne peut porter de jugement définitif ?

Le moins surprenant aux yeux du public qui passe, le moins original, diront ceux qui confondent la bizarrerie avec le génie, le moins personnel peut-être, mais, à coup sûr, le plus réfléchi et le plus complet, le mieux équilibré et le moins périlleux à suivre, c’est M. Galland. Soit qu’on regarde ses plafonds du grand Salon, où s’envolent dans un azur calme les déesses blanches de la peinture et de la sculpture ; soit qu’on examine ses cartons de tapisserie pour la galerie d’Apollon ou l’Académie de Bordeaux, ses études, peintes et dessinées pour la galerie de l’Hôtel de Ville de Paris, ses modèles de diplômes, d’encadremens, de reliures, on est frappé partout de la grâce rythmique avec laquelle s’y établissent et s’y balancent les diverses parties de l’ordonnance décorative ; on y admire partout l’élégance affable et souple des figures ou figurines qui s’y reposent avec tranquillité ou s’y meuvent avec aisance, en des encadremens bien proportionnés. M. Galland est un fils direct de la renaissance ; il ne s’en cache pas, il le déclare, il l’affirme à chaque coup de son pinceau ou de son crayon, mais il a pris la renaissance au bon moment, à cette heure courte et charmante où, d’italienne qu’elle était, déjà compliquée, alourdie, prétentieuse et menteuse chez les successeurs de Bramante, de Donatello, de Léonard, elle redevient claire, vive, pleine de grâce et d’esprit entre les mains de nos Lescot et de nos Bullant, de nos Jean Goujon et de nos Germain Pilon. M. Galland reprend l’art français au point où