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L'EMPEREUR GUILLAUME Ier
ET
LE PRINCE DE BISMARCK

La retraite du prince de Bismarck aura marqué dans les temps présens une date que l’histoire retiendra. Après la mort de l’empereur Guillaume, le chancelier de l’empire apparaissait encore comme le continuateur et le plus ferme soutien de la politique qu’il avait si glorieusement servie. En quittant le pouvoir, il semble avoir clos lui-même la longue période pendant laquelle il l’a exercé. La scène reste la même, les acteurs changent. Le moment parait donc opportun de jeter un regard sur ce passé, si récent qu’il soit. Assurément, celui-là serait bien téméraire, hâtons-nous de le dire, qui entreprendrait aujourd’hui de raconter une telle œuvre et de l’apprécier. La tâche en appartient aux écrivains de la future génération. Ceux qui l’ont tentée à notre époque devaient subir l’influence des sentimens auxquels tous les contemporains essaient vainement de se soustraire. Aussi n’avons-nous nulle intention de toucher aux événemens. Mais il nous a paru que l’heure actuelle nous autorisait à en relever, pour le soumettre au contrôle des faits, un trait particulier sur lequel, croyons-nous, l’opinion a été absolument abusée.

M. de Bismarck, pense-t-on généralement, a été l’initiateur de la politique à laquelle la Prusse doit tous ses succès, et il a dû l’imposer à son souverain, non sans peine, ajoute-t-on. Ce jugement est-il fondé, est-il équitable ? M. de Bismarck est-il en effet