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de ces oracles soit tarie. Iahvé parle sans cesse par ses nabis, qui sont une révélation permanente. Au VIIIe siècle, la divination par l’éphod avait à peu près disparu ; mais la nécromancie était plus en vogue que jamais ; le qosem était presque aussi consulté que le nabi. Or, selon le iahvéiste pur, Iahvé seul devait être consulté. Tout oracle autre que le sien était une injure à sa majesté, et impliquait la supposition qu’il existe quelque pouvoir fatidique et divin, inhérent à la nature.

L’Assyrie est la force que Iahvé met en mouvement pour l’exécution de ses plans secrets, lesquels ne sont autre chose que la réalisation d’un monde juste par Israël. Le royaume de Samarie, qui resta si loin de cette perfection, est déjà détruit ; celui de Juda le sera aussi probablement. Mais les destinées de Sion sont éternelles. Sion sera le centre d’une humanité régénérée. Le vrai roi de la dynastie bethléhémite, le David idéal, qui ne s’est pas vu encore, apparaîtra et réunira dans sa main Israël tout entier. Roi et prophète à la fois, il conduira le peuple dans la voie du pur iahvéisme. Le monde, alors, reconnaîtra la supériorité de Sion ; l’univers se fera iahvéiste ; les sacrifices seront abolis ; le vrai culte de Iahvé sera la justice et le bonheur.

Tel est le rêve splendide dans lequel se concentra toute la puissance d’aimer et de croire des Judaïtes pieux, vers 720 et 710 avant Jésus-Christ. Le règne d’Ézéchias fut le moment où l’on fixa les traits de cet âge d’or. Le messianisme est une création de Jérusalem, non des tribus du Nord. Il y fallait David, Sion, une dynastie légitime. Le roi était nécessaire au nouvel idéal conçu par Juda. Ézéchias répondait à quelques-uns des traits du parfait roi davidique. À certains momens, on put croire que la grande destinée d’Israël se révélerait par lui, surtout quand il serait entouré de gens pieux comme Éliaqim et sa famille. Les signes prochains étaient pourtant trop peu en vue ; les temps étaient trop durs. Le roi théocrate fut relégué dans l’avenir ; il devenait une sorte de soleil apparaissant à la fin des âges. Mais le soir du monde devait être si beau qu’on se résignait à ne pas le voir. Il suffisait d’avoir travaillé à le préparer.

Ce système religieux étrange, le moins mythologique et le moins métaphysique qu’ait jamais conçu un cerveau de grande race, n’était au fond que le vieil élohisme patriarcal, devenu vivant, humanitaire et introduit dans l’histoire. Le déisme était si profond chez ces nomades incorrigibles qu’il parvint à expulser, par un travail d’élimination séculaire, la forte dose de paganisme qui était entrée en Israël avec le faux dieu Iahvé, essentiellement dieu local et national. Les nabis, représentans obstinés du vieil esprit monothéiste, avaient réussi. Iahvé n’était plus qu’un synonyme d’Elohim. Ce