n’a fait qu’accentuer ses révélations accusatrices. Il n’a pas caché à la société britannique de l’Afrique orientale que si on continuait ainsi, elle n’avait rien de mieux à faire que de considérer dès ce moment comme perdus les millions qu’elle a dépensés sur le continent noir. On en est là ! Le ministère est visiblement embarrassé. Au fond, lord Salisbury ne demanderait peut-être pas mieux que de tempérer le zèle colonisateur de ses compatriotes dans l’est africain, et il le leur a même insinué récemment de façon à laisser soupçonner quelque concession nouvelle à l’Allemagne. L’opinion cependant est en éveil, et la situation ne laisse pas d’être délicate. Si lord Salisbury cède encore aux Allemands, il risque sûrement d’irriter, de soulever contre lui le sentiment anglais, déjà assez ému ; s’il se décide à maintenir quand même les droits ou les prétentions de l’Angleterre, il va peut-être au-devant d’une querelle dont il ne peut prévoir les suites. Dans tous les cas, le ministère anglais joue évidemment gros jeu.
Les événemens de l’histoire diplomatique se reproduisent et se ressemblent souvent, parce que ce sont toujours les mêmes questions, les mûmes rivalités qui renaissent entre les peuples. Les circonstances et les prétextes changent seuls tout au plus. A un demi-siècle d’intervalle, parfois on voit reparaître dans quelque incident inattendu les mêmes procédés, la même politique au service des mêmes ambitions ou des mêmes intérêts. L’Angleterre, qui n’est pas sans complaisance pour les forts, n’est pas tendre dans ses rapports avec les faibles, elle ne l’a jamais été, c’est chose certaine. Elle a, dans son histoire, un chapitre déjà assez long et toujours ouvert, le chapitre des abus de la force. Lorsqu’il y a quelques mois à peine, à propos des possessions de l’intérieur de l’Afrique, elle traitait si durement le malheureux Portugal sans s’inquiéter des conséquences que pouvait avoir pour ce petit pays la brutalité de ses sommations, on se rappelait involontairement un épisode semblable qui se passait il y a près d’un demi-siècle, et, cette fois, en Grèce. C’était la même chose. Réduire la Grèce à merci n’était point, à dire vrai, un plus grand exploit que de réduire aujourd’hui le Portugal. L’Angleterre se passait néanmoins cette fantaisie hautaine de faire sentir sa force à un petit pays dont elle était censée la protectrice. C’est justement cet épisode du temps de lord Palmerston qui retrouve une sorte d’à-propos par le dernier incident portugais et qui revit tout entier, avec un intérêt nouveau, dans un livre, — la Grèce du roi Othon, — fait avec la correspondance de M. Thouvenel, alors jeune et brillant représentant de la France à Athènes.
C’était le temps où lord Palmerston, tout plein de l’orgueil britannique, prononçait d’un accent superbe le fameux civis romanus sum et revendiquait pour tout sujet anglais le droit d’être partout chez lui. Le prétexte de l’intervention de lord Palmerston et de l’exécution de la Grèce était un certain juif, protégé anglais, du nom, aujourd’hui ou-