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il est bien certain que Frans Hals, Rembrandt,. Fieter de Hooghe, pour ne parler que des plus habiles, l’ont déjà singulièrement examiné, approfondi, résolu sur beaucoup de points.. Néanmoins, comme la nature est infinie dans ses manifestations, c’est toujours le devoir comme le droit des artistes de chercher de nouveau là même où l’on a déjà beaucoup trouvé, parce qu’il est toujours possible d’y trouver encore. Nous l’avons bien vu, de notre temps, dans le paysage, où Théodore Rousseau, a été possible après Hobbema, et Corot après Claude Lorrain. C’est même par ce paysage moderne que le besoin d’une aération plus ample et d’un éclairage plus juste est entré dans l’esprit des peintres de figures ; la gloire en revient tout entière à Corot et Millet bien plus qu’à Manet et à Bastien Lepage, qui n’ont fait que suivre. Cette préoccupation a déjà amené, dans l’école, un désir de renouvellement et une finesse d’observation qui peuvent être utiles et féconds si l’on n’oublie pas, à l’exemple de tous les maîtres dont nous avons parlé, la nécessité de l’exactitude dans les formes qui reçoivent la lumière aussi bien que dans la lumière qui enveloppe les formes. Les corps n’existent, pour le peintre, qu’autant qu’ils sont éclairés, mais l’éclairage n’a de signification qu’autant qu’il modèle ces corps. L’erreur d’une bonne partie de : l’école actuelle, c’est de croire qu’un éclairage agréable ou bizarre suffit à satisfaire par lui-même les yeux et l’esprit et que le peintre n’a rien à fournir au-delà, en fait de vérité, de science et de réflexion. Au Champ de Mars, ce paradoxe se développe avec l’outrecuidance la plus amusante ; aux Champs-Elysées, on en trouve déjà d’assez jolies affirmations. On n’a qu’à regarder le Jour d’été, par M. Maurice Eliot, un des novateurs les plus téméraires et les plus habiles, pour voir où le système, poussé à outrance, peut conduire un homme de talent. Les chairs, les étoffes, les corps, les végétaux, les minéraux, tout s’émiette et se vaporise sous l’intensité de la lumière. ce n’est plus qu’un nuage de poussière décolorée qui entre dans les yeux. Dans une grande toile de M. Henri Martin, M. Sadi Carnot, président de la république, à Agen, même décomposition, même résultat. M. Martin, comme le damné que l’on sait ne peint plus vraiment que l’ombre d’un carrosse avec l’ombre d’une brosse. En admettant que cet effet subit d’éblouissement confus soit absolument juste, sans nulle exagération, sans nulle convention (ce dont on peut douter), quel intérêt y a-t-il à lui donner cette importance ? Cela ne peut remplacer ni l’observation, ni l’émotion, ni la vérité des formes et des expressions rendue par des moyens moins subtils.

C’est dans les pays chauds, en Afrique, en Asie, que ces effets, plus surprenans qu’agréables, s’offrent au peintre le plus