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donner, étant nécessairement partielle, que des résultats approximatifs. Elle présentait toutefois un grand intérêt. Les ordres furent envoyés à tous les comptables publics de France, au nombre de plus de 20,000, à l’effet de dresser un état descriptif de leurs encaisses, en un même jour, le 28 mai. Il se trouva que le total de ces encaisses était de 52,846,035 francs. Dans ce montant, les billets de banque figuraient pour 35,737,720 francs, soit 68 pour 100, et le numéraire pour 17,108,315 francs, soit 32 pour 100. Or le montant de la circulation fiduciaire en France est de 3,150 millions environ, et on ne peut guère évaluer à moins de 6 milliards le montant total de la circulation métallique, y compris, il est vrai, l’encaisse de la Banque.


IV

Après ce qui vient d’être dit, nous avons à peine besoin de formuler notre conclusion, qui est qu’il faut ménager avec une extrême sollicitude la confiance du public dans le billet de banque, et ne rien faire qui puisse ébranler la solidité d’une organisation bientôt séculaire, toujours améliorée, mais constante en sa nature propre et dans la direction de son développement. Il ne faut pas plus songer à faire de la Banque de France une banque d’état dont on augmenterait encore la puissance à force d’arbitraire et de socialisme autoritaire, qu’à lui susciter d’inutiles concurrences qui ne pourraient trouver à vivre péniblement qu’au prix d’un affaiblissement de son action salutaire. La banque d’état serait un danger pour la France, puisqu’elle lui enlèverait toute la force que possède l’octroi d’un concours indépendant ; la liberté des banques serait une expérience à rebours, un retour aux procédés surannés d’une époque déjà reculée dans le passé, un véritable défi à l’esprit de progrès et de simplification. Il faut conserver ce qui est, parce que ce qui est s’est montré, par maintes preuves, excellent et susceptible de se perfectionner encore. La loi de renouvellement qui devra être votée d’ici peu sera, comme les précédentes, la sanction d’un accord bref entre les autorités compétentes, portant sur un petit nombre de points, et attestant une recherche commune, faite de bonne, foi, avec la plus clairvoyante intelligence des affaires, des services nouveaux que peut rendre encore la Banque au public.

Nous n’aurons pas la présomption d’esquisser ce programme de réformes. Il nous semble cependant utile de mettre l’opinion publique en garde sur deux points. D’une manière générale, il ne serait pas sage de vouloir charger la Banque de bon nombre d’attributions nouvelles qui répondraient de moins en moins à l’esprit de sa création et à son rôle de banque privilégiée, en la