Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de très importantes affaires et rendaient de réels services. Mais elles avaient ce grand défaut que leur circulation de billets était locale. On eût pu sans doute parer à cet inconvénient par l’organisation d’un consortium. Mais c’était l’unité déguisée ; on a préféré l’unité réelle. C’est à peine si dans les années qui suivirent la guerre d’Italie la thèse de la liberté des banques d’émission : trouva encore des défenseurs à l’occasion du maintien ou de la suppression de la Banque de Savoie, devenue française par l’annexion de la province.

Le cours légal fut rendu en 1870 au billet de la Banque de France par le décret du 12 août 1870, qui reproduisit exactement les articles 1 et 2 du décret du 15 mars 1848 sur l’établissement du cours forcé. Lorsque quelques années plus tard, après apurement des comptes entre la Banque et l’état, le cours forcé fut aboli, le silence fut gardé par la loi, concernant la clause de 1870 donnant le cours légal. Celui-ci subsista donc, ce qui signifie que nul n’a droit en France de refuser en paiement un billet, reconnu bon, de la Banque de France, mais que tout le monde a le droit d’aller, aux heures spécifiées à cet effet, l’échanger à présentation contre de la monnaie métallique. La loi ne faisait que consacrer ce que la pratique avait de plus en plus solidement établi, l’assimilation complète dans l’esprit du Français entre le billet de banque et les pièces d’or ou d’argent, avec une présomption de commodité en faveur du premier. Comment n’en aurait-il pas été ainsi, quand aux heures les plus sombres de la guerre, en plein règne du cours forcé, on a vu ce billet conserver toujours intégralement sa valeur nominale et n’avoir jamais subi l’affront de la dépréciation ?

Lo respect et l’usage du billet de banque ont été ainsi portés peu à peu dans les régions les plus reculées du territoire à mesure que le nombre des succursales et des places bancables allait se multipliant. La loi de renouvellement de 1857 avait stipulé qu’après un délai de dix années le gouvernement aurait le droit d’exiger l’établissement d’une succursale par département. La Banque en avait alors 38. A la fin de 1860, elle en possédait 49. Le nombre des succursales est aujourd’hui de 94, avec 38 bureaux auxiliaires, 20 places réunies chacune à un de ces établissemens et 105 villes rattachées. Si l’on veut juger à quel point le billet de la Banque de France, grâce à cette extension constante de l’action de l’institution centrale, est entré dans les habitudes financières de la population, il faut se reporter aux très curieux résultats d’une enquête qui fut faite en mai de l’année 1885 par le ministère des finances sur l’état et la composition de la circulation monétaire du pays à un jour donné. Il est clair que cette enquête ne pouvait être poursuivie chez les particuliers et ne devait