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appréciateurs impartiaux qui reconnaissent l’étendue des services rendus et croient que la Banque peut faire et fera plus encore, si seulement on ne met pas son existence même en question par d’impolitiques exigences.

Après les intérêts du public viennent ceux de l’Etat, qui sont, au fond, ceux du public, sous une autre forme. L’État n’est que la collectivité des individus. Les facilités données par la Banque au Trésor équivalent à un allégement apporté aux contribuables. Il en est ainsi dans les temps ordinaires, et plus encore dans les cas exceptionnels, lorsque éclatent ces événemens où la fortune et les destinées du pays se trouvent en jeu, et où l’État obtient du crédit de la Banque ce que ne lui donneraient ni son propre crédit ni la profondeur des ressources à tirer directement de la population. Ces cas exceptionnels se sont produits, ils peuvent se renouveler. Bien aveugles seraient les politiciens qui ne comprendraient pas de quel poids peut peser, un jour donné, sur les destinées du pays, la possession d’une force telle que celle qui réside dans ce fait impalpable et tout-puissant : le crédit de la Banque de France. Bien coupables seraient ceux qui, par imprudence, par irréflexion, ou par obéissance à des préjugés surannés, ne craindraient pas de porter atteinte à cette force.

Or c’est à ce point capital, la conservation intacte du merveilleux crédit de la Banque, que convergent les plus délicates des questions multiples se rattachant au renouvellement du privilège. On peut demander beaucoup à un établissement qui n’a jamais cessé de guetter avec la plus vigilante attention les modifications que le temps pouvait successivement apporter aux pratiques commerciales et financières, afin d’aller lui-même au-devant des nouveaux besoins. Mais les demandes doivent s’arrêter à la limite précise où un péril, — moins encore, — la menace d’un péril, pourrait naître pour le crédit. Or, il ne peut appartenir à une assemblée ou à une délégation de cette assemblée d’entreprendre une telle étude, proprio motu, sans égard pour la question d’opportunité, en dehors de toute considération de compétence. C’est au gouvernement seul qu’il appartenait de procéder à un examen qui est essentiellement du ressort d’un ministre des finances et non d’une commission parlementaire.

La procédure est simple. Le ministre des finances ne se trouve pas en présence d’une compagnie entièrement privée, d’un conseil d’administration indépendant du pouvoir exécutif. Il a devant lui un gouverneur et deux sous-gouverneurs nommés par l’État, représentant en permanence l’État dans les conseils où sont discutés les intérêts les plus intimes de la Banque, et non pas seulement l’État, mais aussi le public, dont l’État n’est en fait que l’intendant. A côté