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rentrent dans leur chambre après le dîner, ou, si la température est douce, s’assoient à l’écart sur un banc du jardin, regardent les étoiles et murmurent quelque vieil air qui ravive les souvenirs d’autrefois.

La plupart des pensionnaires ont quelques ressources personnelles, — débris d’une aisance détruite, pension, économies, — qui les aident à compléter le bien-être que leur offre la maison. Ils peuvent ainsi augmenter leur provision de bois, se vêtir chaudement et s’accorder quelques-unes de ces « douceurs » qui, pour beaucoup d’entre eux, sont une sorte de satisfaction nécessaire dont la privation est une souffrance. Mais, parmi eux, il en est que la mauvaise fortune a visités trop souvent, a traités avec une dureté constante, ceux-là sont dénués, et « le sou de poche » leur manque. Ils sont peu nombreux, une quinzaine environ. On peut affirmer qu’ils appartiennent tous aux catégories gratuites désignées par l’Académie française, l’Académie des Beaux-Arts, la Société des Amis des sciences, le Cercle de la librairie. Ces malheureux sont très à plaindre et se trouvent, par leur pauvreté même, dans une situation d’inégalité que je voudrais voir cesser. Une allocation quotidienne de 0 fr. 50 suffirait : chiffres ronds, ça ferait un total annuel de 3,000 francs. Si quelque bonne âme trouve sa bourse trop lourde, il y aurait là une bonne occasion de l’alléger. Le don devrait être secret et confié à la discrétion de l’économe ou de la supérieure de la communauté des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul résidant à la maison Galignani.


IV. — LES PENSIONNAIRES.

Entre les pensionnaires admis gratuitement, qui sont meublés, chauffes, éclairés[1], blanchis, auxquels on ouvre, tous les ans, un crédit de 120 francs dans un magasin de confection, et les pensionnaires payans désignés par l’administration, nulle différence. On ne fait aucune distinction entre eux : les uns et les autres ont droit à la même liberté, à la même nourriture, aux mêmes avantages, aux mêmes égards. Cela est conforme à l’esprit d’égalité, qui doit effacer toute ligne de démarcation dans une maison de retraite. On sait que William Galignani a indiqué, dans son testament, les catégories sociales où devait se recruter le personnel réservé à ses bienfaits. L’Assistance publique a interprété cette

  1. Les pensionnaires gratuits reçoivent annuellement 1,200 kilogrammes de bois à brûler et treize paquets de bougie.