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je crois, une assez grande consommation. Pendant que j’étais chez l’économe, un pensionnaire est venu chercher vingt « bons ; » nous avons échangé un coup d’œil, puis un salut ; nous nous étions fortuitement rencontrés il y a une dizaine d’années.

Sur le couloir large et clair qui donne accès à la cuisine et à la salle à manger s’ouvre la salle de bains. Je crains qu’elle ne soit pas aussi fréquentée qu’il conviendrait. Quelques vieillards, à la maison Galignani et ailleurs, ignorent ou ont oublié le bénéfice hygiénique que procurent les ablutions complotes souvent répétées ; indifférence chez les uns, paresse chez les autres, négligence issue de la pauvreté et conservée par habitude, tout cela rend la salle de bains trop souvent déserte. C’est là un mal préjudiciable aux pensionnaires ; un article ajouté au règlement pourrait facilement y remédier : le bain de rigueur au moins une fois par mois n’aurait rien d’excessif et ne serait pas attentatoire à la liberté individuelle ; la bonne tenue de soi-même et la santé n’en seraient que meilleures.

Près de la salle de bains, j’entre dans l’infirmerie divisée en deux parties distinctes, quoique mitoyennes. A chaque sexe une chambre et deux lits. Ma première impression est celle de la surprise : quoi ! quatre lits seulement et deux chambrettes pour 100 pensionnaires ; c’est bien peu, c’est bien étroit. Une seconde de réflexion me ramène à des idées plus justes. Les malades ne sont conduits à l’infirmerie que dans les cas exceptionnellement graves, lorsqu’ils exigent des soins de toute minute et une médication attentivement surveillée ; ce n’est, du reste, qu’en rechignant qu’ils se voient forcés d’abandonner leur chambre où ils sont chez eux, dans leur home, au milieu des objets qui leur appartiennent ; ils ne consentent à se laisser transporter à l’infirmerie qu’à la dernière extrémité et c’est pourquoi je n’y ai vu qu’une vieille femme repliée sur elle-même, écroulée dans un fauteuil et presque impotente. Son siège est accoté à la fenêtre qui prend jour sur le couloir : elle regarde passer les gens de service et c’est sa seule distraction. Trois fois par semaine, à jours fixes, un médecin vient se mettre à la disposition des pensionnaires qui pourraient avoir à le consulter ; mais au premier appel, il doit accourir et accourt, car il est attaché à la maison, quoiqu’il n’y demeure pas. Une petite pharmacie, munie des médicamens usuels par la pharmacie générale des hôpitaux, a suffi jusqu’à présent à soulager les rares malades auxquels le médecin a donné ses soins. Il faut croire que le régime est bon et que les prescriptions de l’hygiène sont rigoureusement observées, car malgré l’influenza, qui, au cours de l’hiver dernier, a fait mourir tant de personnes faibles à Paris et a fauché parmi les vieillards,