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réelles de la France. M. le ministre de la guerre aura peut-être, il a déjà, à ce qu’il semble, quelque peine à s’y reconnaître. Il ne fera pas l’impossible, il appliquera ce qui est applicable ; il tirera ce qu’il pourra de ce qu’on pourrait appeler la loi des grandes cohues. Le seul moyen, dans tous les cas, d’atténuer autant que possible l’inévitable et dangereuse incohérence de cet amas d’hommes inexpérimentés qui ne font que passer sous les drapeaux, c’est de préparer de nouveaux cadres ; c’est de donner plus de fixité et de vigueur à tous les ressorts du commandement, à commencer par la tête, et c’est là justement ce qui a inspiré à M. le président du conseil un récent décret par lequel il réalise une des plus sérieuses et des plus prévoyantes réformes. M. de Freycinet a certes ses faiblesses et ses fluidités en politique ; il met visiblement autant d’esprit de suite que de zèle, lui ministre civil, aux affaires militaires dont il a la direction. Dès son entrée au ministère, on peut le voir maintenant, il s’est proposé avant tout de refaire les organes essentiels du commandement. Il a reconstitué le conseil supérieur de la guerre en lui donnant plus d’autorité. Il a recomposé ou coordonné tout cet ensemble du commandement général, des commandemens d’armée. Aujourd’hui cette réforme nouvelle qui vient d’être décrétée complète les autres en faisant de ce qui s’est appelé jusqu’ici l’état-major général du ministre un véritable état-major général de l’armée. Les mots ici ont leur importance. Rien d’ailleurs de plus habilement combiné que cette œuvre qui, sans affranchir le nouvel état-major de l’autorité ministérielle, le met cependant autant que possible à l’abri des oscillations de la politique, qui précise ses attributions toutes militaires, qui fait de lui, dès le temps de paix, l’organe essentiel de l’action, au jour de la guerre, sous la main du généralissime. Et à la tête de ce nouveau service, M. le président du conseil a placé un homme depuis longtemps désigné par ses rares mérites de chef militaire, par son esprit d’initiative, pour ce poste d’élite, M. le général de Miribel.

Un des caractères de cette création nouvelle, dont M. le ministre de la guerre décrit avec art les traits essentiels dans son rapport à M. le président de la république, c’est que rien ne paraît avoir été improvisé ; tout semble au contraire avoir été médité, calculé et patiemment préparé. M. le général de Miribel lui-même, désigné d’avance comme le major-général éventuel de la guerre, avait été envoyé depuis deux ans au 6e corps, sur la frontière, et là, dans ce poste avancé, il a pu étudier toutes les ressources de la défense, le théâtre des opérations possibles. Il a été un énergique et intelligent commandant de corps ; il devient aujourd’hui le chef d’état-major général pour la paix comme pour la guerre : de sorte que notre organisation militaire semble heureusement complétée. Que tout ce qui est sur le papier ne soit pas une réalité, qu’il y ait encore des lacunes, des imperfections, cela se peut,