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la séparation de l’église et de l’état ! Ainsi, voilà tout ce qu’ils ont à proposer : continuer ou reprendre une expérience qui a déjà failli jeter la France dans les plus désastreuses aventures, qui a soulevé et ne cesse de soulever les résistances de la moitié du pays. Et ils se flattent peut-être encore de réussir, en profitant des faiblesses, des préjugés d’une majorité indécise et inexpérimentée ! L’autre politique est celle qui a fait l’autre jour une demi-apparition, qui consiste ou qui consisterait, si elle était pratiquée avec suite, à maintenir d’abord la paix publique, à faire sentir la puissance de la loi au conseil municipal de Paris, à apaiser les animosités, à rassurer les croyances et les intérêts, sans craindre l’alliance des forces modérées et conservatrices qui ont été jusqu’ici sans direction et sans confiance. C’est là toute la question !

Entre ces deux politiques, la lutte n’est point finie sans doute. Elle se renouvellera plus d’une fois à tout propos, à l’occasion de quelque interpellation, du budget, d’un incident imprévu ou des lois nouvelles qu’on essaiera de proposer. Elle peut se retrouver dans des affaires comme cette discussion assez malheureuse qui s’est élevée récemment en plein Palais-Bourbon sur le Crédit foncier et son administration. Un sous-gouverneur qui a mis du temps à s’éclairer et à préparer sa retraite a cru pouvoir signaler publiquement des irrégularités dans les affaires du Crédit foncier. Le gouverneur, M. Christophle, a défendu avec énergie son administration. M. le ministre des finances, devant un parlement un peu ému de ces révélations et de ces conflits, s’est tiré d’embarras, non sans peine, non sans avoir besoin du secours de M. le président du conseil, en promettant de faire vérifier par ses inspecteurs les opérations du Crédit foncier. L’inspection, il faut le croire, ne dira rien que de favorable. Qu’on remarque seulement le danger de soulever légèrement de tels débats, de livrer à des contestations imprudentes ou intéressées, aux passions de parti la bonne renommée d’un des plus puissans établissemens financiers. Le plus sage est certainement d’en finir le plus tôt qu’on pourra, et ce qu’il y aurait de mieux, ce serait que le gouvernement eût assez d’autorité pour prévenir par sa vigilance ou arrêter au passage par sa décision des incidens qui ne sont pas toujours sans inconvéniens pour le crédit public.

Heureusement, dans nos affaires, tout n’est pas livré à l’imprévu, au hasard des querelles bruyantes ou stériles, et s’il y a bien du temps perdu à disputer sur tout au risque de tout ébranler, il y a aussi du temps mieux employé ; il y a des œuvres qui s’accomplissent à travers les vaines contestations, presque sans bruit, au profit et à l’honneur du pays. On a donné, il faut l’avouer, à M. le président du conseil, ministre de la guerre, une loi militaire bien extraordinaire à appliquer, une loi d’ostentation et d’apparence imaginée et bâclée pour assouvir de vulgaires passions de parti encore plus que pour augmenter les forces