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LE LABOUREUR.


Ces dons sont consacrés à la Déesse.
PHILIPPE DE THESSALONIQUE.

Le semoir, la charrue, un joug, des socs luisans,
La herse, l’aiguillon et la faulx acérée,
Qui fauchait en un jour les épis d’une airée,
Et la fourche qui tend la gerbe aux paysans ;

Ces outils familiers, aujourd’hui trop pesans,
Le vieux Parmis les voue à l’immortelle Rhée
Par qui le germe éclôt sous la terre sacrée.
Pour lui, sa tâche est faite ; il a quatre-vingts ans.

Près d’un siècle, au soleil, sans en être plus riche,
Il a poussé le coutre au travers de la friche ;
Ayant vécu sans joie, il vieillit sans remords.

Mais il est las d’avoir tant peiné sur la glèbe
Et songe que peut-être il faudra, chez les morts,
Labourer des champs d’ombre arrosés par l’Erèbe.


LE COUREUR.


Sur une statue de Myron.

Tel que Delphes l’a vu, quand, Thymos le suivant,
Il volait par le stade aux clameurs de la foule,
Tel Ladas court encor sur le socle qu’il foule
D’un pied de bronze, svelte et plus vif que le vent.

Le bras tendu, l’œil fixe et le torse en avant,
Une sueur d’airain à son front perle et coule ;
On dirait que l’athlète a jailli hors du moule,
Tandis que le sculpteur le fondait, tout vivant.

Il palpite, il frémit d’espérance et de fièvre,
Son flanc halète, l’air qu’il fend manque à sa lèvre
Et l’effort fait saillir ses muscles de-métal ;

L’irrésistible élan de la course l’entraîne ;
Et passant par-dessus son propre piédestal,
Vers la palme et le but il va fuir dans l’arène ;