Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/457

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’eussent leur part, et leur large part, dans le succès de cette exposition.

N’était-ce pas, en effet, une véritable révélation pour bien des gens que cette série de tableaux épiques où Gros, Gérard, Girodet, Guérin, d’autres encore parmi les prédécesseurs de Vernet à l’Académie, avaient jadis célébré les triomphes militaires de la France au temps de la république ou sous l’empire ? La renommée de David lui-même ne semblait-elle pas rajeunie par l’apparition du tableau représentant le Sacre de Napoléon, et les plus opposés d’ordinaire aux doctrines du maître ne se sentaient-ils pas forcés de s’incliner devant ce témoignage aussi éloquent qu’imprévu de son talent ? Toutes les toiles, toutes les statues de l’époque consulaire ou de l’époque impériale, rassemblées maintenant dans les salles du palais de Versailles, avaient disparu depuis les premiers jours de la restauration : le gouvernement de juillet, ou plutôt le roi Louis-Philippe personnellement, s’était imposé le devoir de les remettre en lumière. De plus, et fort contrairement aux exemples donnés en pareil cas par Louis XVIII et par Charles X, il avait voulu que, malgré la révolution qui venait de s’accomplir, les souvenirs se rattachant aux règnes de ces deux princes fussent publiquement conservés et que, — toute proportion gardée d’ailleurs entre l’importance relative des faits ou celle des personnages, — la Prise du Trocadéro par exemple et les portraits de tous les Bourbons de la branche aînée figurassent à leur rang historique, aussi bien que la Bataille d’Austerlitz et que les portraits des membres de la famille impériale.

L’Académie des Beaux-Arts, bien entendu, n’avait pas qualité pour louer officiellement le roi de cet acte d’impartialité politique ; mais elle tenait, et elle avait raison de tenir, à le remercier du service qu’il avait rendu à la cause de l’art français. Quelques jours après l’ouverture du musée de Versailles, l’Académie au grand complet alla donc porter au prince qui l’avait créé l’hommage de sa reconnaissance et ses félicitations respectueuses. Ce devoir une fois accompli, on en vint de part et d’autre à aborder diverses questions ; on parla des tentatives faites ou à faire pour restaurer le goût de la peinture monumentale, et pour activer en ce sens le mouvement que l’administration municipale cherchait depuis quelque temps à déterminer à Paris. L’entretien devait porter ses fruits, puisque, bien peu après, les grands travaux de Paul Delaroche dans la Salle de l’hémicycle, à l’École des Beaux-Arts (1838-1841), de Delacroix à la chambre des députés et au palais du Luxembourg (1837-1847), d’Hippolyte Flandrin, dans le sanctuaire de Saint-Germain-des-Prés (1842-1844), venaient consacrer la renaissance dans