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On ne saurait prétendre. sans doute que l’influence, de l’Académie sur la formation du musée de Versailles ait eu pour résultat, de n’en peupler les galeries que de chefs-d’œuvre, ni même d’œuvres toujours dignes d’y figurer. Il est certain que, sur plus d’un point, ce musée se ressent de la précipitation avec laquelle il a fallu agir, afin d’être en mesure d’en ouvrir les portes au public au bout de quelques années seulement. Le roi Louis-Philippe lui-même, quelque prix qu’il attachât au succès immédiat de son entreprise, reconnaissait tout le premier ce qu’elle avait à certains égards d’insuffisant ou d’inachevé. « Après moi, disait-il, on refera mieux ce que je n’ai pu faire exécuter qu’imparfaitement. » En attendant, l’effet de l’ensemble était assuré, la pensée hautement patriotique qui l’avait préparé assez bien définie déjà pour être comprise, de tous. Aussi, lorsque, au commencement, de l’été de 1837, quelques jours après le mariage du duc d’Orléans, l’inauguration solennelle eut lieu de ce musée de Versailles dédié, suivant les termes mêmes de l’inscription sur le frontispice du palais, « à toutes les gloires de la France, » personne n’accueillit avec froideur un tel hommage rendu aux grands souvenirs de notre histoire et, — soit dit en passant, — rendu, sans regarder à la dépense, par un prince auquel on ne s’est pas fait faute pourtant de reprocher sa parcimonie[1].

Cette fête, donnée à Versailles le 10 juin 1837, et qui dura la journée et la soirée entières, avait été, de l’aveu de tous, magnifique. Ceux des assistans qui ont survécu en gardent encore aujourd’hui un souvenir d’autant plus vif que la majesté historique des lieux qui en étaient le théâtre et la destination si imprévue qu’ils venaient de recevoir lui imprimaient un caractère plus particulier. Rien ici de cette physionomie contrainte, de cette dignité un peu artificielle propres en général aux cérémonies de cour ; rien de cette étiquette intraitable qui assigne à chacun sa place fixe sur les banquettes d’un salon royal ou son rang dans la formation d’un cortège. La solennité du 10 juin 1837, au contraire, avait l’aspect animé et, pour tout le monde, la signification émouvante d’une fête vraiment nationale dans laquelle, comme l’a dit un éminent historien[2], « la France du passé et celle du présent paraissaient se rejoindre. » Tous exprimaient l’admiration et le

  1. Le roi Louis-Philippe, comme les comptes publiés après la révolution de 1848 l’ont irréfragablement établi, avait, à cette époque, dépensé déjà près de vingt millions, entièrement pris sur sa liste civile, pour la restauration du palais de Versailles et pour l’exécution ou le placement des œuvres d’art qui en décoraient les galeries. Dans le cours des années suivantes, le chiffre de ces dépenses, faites en dehors de tout concours de l’État, s’accrut de plusieurs autres millions.
  2. M. Paul. Thureau-Dangin. Histoire de la monarchie de Juillet, t. III, p. 203.