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indépendance paisible qui se montre égale dans toutes les positions et qui se contente de jouir d’elle-même… M. Percier avait acquis par ses travaux une fortune honorable qu’il eût pu rendre énorme si, avec sa renommée, qui était immense, il eût, au lieu de dessiner des restaurations idéales, employé ses loisirs à bâtir, sur le pavé de Paris, des hôtels ou des bazars. Mais, en devenant riche, il ne fut pas plus esclave de sa fortune qu’il ne l’avait été, en d’autres temps, de sa pauvreté. Il ne changea jamais rien à ses habitudes ; il vieillit avec les mêmes principes et avec les mêmes amis, travaillant toujours, comme s’il avait toujours eu besoin de travailler pour vivre, et il laissa 100,000 francs à l’école gratuite de dessin où les enfans du peuple reçoivent cette première éducation de l’artiste dont il avait lui-même éprouvé le bienfait. »

Le secrétaire perpétuel qui rendait à la mémoire de Percier cet hommage si bien mérité n’était plus Quatremère de Quincy. Celui-ci, depuis un an déjà, s’était démis (1er juin 1839) des fonctions auxquelles il avait été appelé en 1810, et l’Académie lui avait donné pour successeur un autre membre de l’Académie des Inscriptions, M. Raoul-Rochette, élu d’ailleurs à la majorité d’une voix seulement, après un premier tour de scrutin aussi favorable à son compétiteur, l’architecte M. Lebas, qu’à lui-même, puisque chacun des deux candidats avait obtenu la moitié des suffrages exprimés par les trente-six membres présens. Le nouveau secrétaire perpétuel ne prenait donc pas possession de sa charge dans des conditions aussi encourageantes pour lui que celles qui, vingt-trois ans auparavant, avaient été faites à son prédécesseur[1]. De plus, en raison des mérites personnels de celui-ci, l’héritage à recueillir était assez lourd, le maintien des traditions léguées assez difficile pour déconcerter, au moins au début, la confiance en soi la plus robuste. Peu à peu, cependant, M. Raoul-Rochette réussit à se rendre maître de sa tâche. Pendant quinze ans (29 juin 1839-5 juillet 1854), il s’en acquitta, non plus, il est vrai, avec cette autorité particulière qu’avait eue Quatremère de Quincy, mais avec un succès d’autant plus honorable que les souvenirs de l’homme qu’il remplaçait étaient, par la comparaison, plus périlleux pour lui-même. Aussi, lorsqu’il eut disparu à son tour, son successeur, Halévy, dans le premier discours public qu’il prononça, put-il, sans excès de complaisance, louer, en même temps que « la science étendue de M. Raoul-Rochette, » le dévouaient à l’Académie dont il avait fait preuve et les services qu’il avait rendus.

Quatremère de Quincy avait atteint l’âge de quatre-vingt-quatre

  1. Quatremère de Quincy avait été élu secrétaire perpétuel, en remplacement de Lebreton, à la presque unanimité des voix.