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planche ; mais peu de chaises, encore moins de fauteuils. En revanche, d’énormes volumes contenant, depuis le premier jusqu’au dernier, les milliers de dessins ou de croquis faits par Percier en Italie, à l’époque où il avait séjourné comme pensionnaire du roi (1786-1792), volumes conservés aujourd’hui pour la plupart dans la bibliothèque de l’Institut à laquelle ils ont été légués, en 1882, par le neveu de Percier, M. Villain ; quantité de portefeuilles où le maître avait classé par ordre chronologique toutes les études, tous les documens relatifs aux travaux qu’il avait successivement menés à fin ou projetés. Enfin sur ces murs sans autre revêtement qu’une couche de plâtre, d’admirables dessins ou gravures d’anciens maîtres, des esquisses peintes, des ébauches en bas-relief, des estampes offertes à Percier par ses confrères à l’Académie, — tout donnait à ce logement si modeste en lui-même le caractère d’un lieu privilégié, la majesté d’un sanctuaire de l’art.

L’homme, si célèbre au dehors, qui vivait confiné dans cette retraite, n’en sortait guère que pour aller à l’atelier de ses élèves remplir ses devoirs de professeur ou à l’Institut ses devoirs d’académicien. Dès les premières années de la restauration, il avait laissé à Fontaine le soin de diriger sur les chantiers mêmes l’exécution des travaux conçus en commun. Pour lui, tout entier à ses études, désintéressé jusqu’au détachement complet de tout ce qui aurait pu être une satisfaction pour son amour-propre ou une occasion de profit matériel, il passait ses journées à restaurer sur le papier, tantôt les monumens antiques qu’il avait vus à Rome dans sa jeunesse, tantôt les monumens les plus importans de la renaissance en Italie ou en France : le grand Hôpital de Milan, par exemple, ou le palais de Fontainebleau, dont il a reproduit ou reconstitué les diverses parties dans une suite de dessins exécutés par la main d’un maître avec le zèle et la conscience d’un débutant. Il semble que, à mesure qu’il avançait dans la vie, Percier était de moins en moins disposé à se contenter des ressources binées de son talent, et que chez lui le besoin de s’instruire croissait en proportion du vaste savoir dont il s’était approvisionné déjà. « Jamais artiste peut-être, a-t-on dit de lui justement[1], avec des mœurs plus simples, des manières plus douces, une bienveillance plus sincère, ne montra tant de dignité dans sa conduite, tant de fermeté dans toute la suite de sa vie ; jamais homme ne fut à la fois plus modeste et plus indépendant, non pas de cette indépendance hautaine qui s’affiche et qui se prône,.. mais de cette

  1. Notice historique sur la vie et les ouvrages de M. Charles Percier, lue dans la séance publique annuelle de l’Académie des Beaux-Arts. 1840.