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particuliers envers la cité qui les porte et la région sur laquelle elles rayonnent… Sans doute, M. Renan a eu raison de dire que « l’esprit, humain n’a pas de région » et que « la bonne méthode n’a rien de local. » Sans doute, il n’y a pas une science parisienne et une science provinciale, pas plus qu’il n’y a, au fond, une science allemande et une science française. Mais il y a un génie allemand et un génie français, et, dans le génie français, à des traits communs se mêlent, suivant les régions, des traits particuliers de race et de terroir qui n’ont rien d’inquiétant pour l’unité de la patrie, qui sont au contraire une richesse et un charme. De plus, si la science est une et générale, il ne s’en fait pas partout les mêmes applications. Il n’y a qu’une chimie : on l’enseigne à Bordeaux et à Lyon, la même qu’à Paris ; mais à Bordeaux elle guérit la vigne et les vins ; à Lyon, elle forme des chimistes pour les industries de l’agglomération lyonnaise.

Que les Universités, et, avant qu’elles soient, les Facultés qui les constitueront, se pénètrent bien de ces devoirs particuliers, qu’elles les remplissent avec zèle, qu’autour d’elles on sente leur action, leur influence que cette influence soit surtout une influence morale, et nul doute que, par un effet de la loi des actions en retour, leurs milieux ne comprennent qu’ils ont, eux aussi, des devoirs envers elles. Le rôle de ces milieux n’est pas simplement de les porter, mais de les réchauffer et de les nourrir en partie. Elles conserveront toujours avec l’Etat un cordon nourricier ; mais il faut aussi qu’elles soient enveloppées d’un placenta local. Il faut qu’elles trouvent sur place des sympathies, des stimulans, des sucs particuliers et de l’argent, beaucoup d’argent s’il se peut. L’argent, pour elles, ce sera l’indépendance, et l’indépendance est une condition essentielle de tous les services moraux. On a peu donné jusqu’ici aux Facultés. Malgré les décrets de 1885, elles n’ont encore, au total, pour toute la France, que 200,000 francs de revenus, dont les deux tiers en subventions sans perpétuité, alors que l’Institut jouit de 550,000 francs, de rentes perpétuelles, sans compter Chantilly. On donnera plus aisément et davantage aux Universités, précisément parce qu’elles tiendront davantage, au cœur des villes et des régions, et qu’elles ne seront plus considérées comme des colonies de fonctionnaires.

Mais, de tout ceci, est-ce vraiment au futur qu’il faut parler ? Ne voyons-nous ; pas déjà de ces adoptions et de ces assimilations, et là justement où les Facultés sont le plus près d’être des Universités ? Pour montrer comment une Université vit, autant par les citoyens que par l’État, je pourrais citer l’exemple de Bâle. A quoi bon sortir de France ? Nous n’en sommes plus à prêcher et à former