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Universités sans la vie provinciale et sans son cortège d’institutions particulières. J’avoue que l’objection, ainsi formulée, m’inquiète peu. Il y a cent ans, nous avions des provinces, des institutions provinciales, et partout, à cette date, je trouve les Universités pauvres, languissantes et presque éteintes. Mais, au fond, il reste vrai que notre centralisation politique peut être un obstacle, sinon à l’établissement, du moins au succès de ces institutions. Dans un pays unifié comme le nôtre, l’État agit partout par les mêmes voies, et sous peine d’être un dispensateur partial des ressources communes, il doit agir partout avec égalité, deux conditions, ce semble, qui se prêtent assez mal à l’expansion de ces corps qu’on voudrait voir rivaliser entre eux de vie et de fécondité. Il ne peut non plus se passionner pour ceci ou pour cela, contre ceci ou contre cela. La passion est essentiellement individuelle, et si l’État moderne est une personne, il l’est à la façon dont les panthéistes conçoivent la personnalité divine, diffuse et rayonnante. Il est donc à craindre que les Universités provinciales, car c’est de celles-là seulement qu’il s’agit, Paris étant hors de pair et hors de cause, manquent de ces stimulans qui dans l’ancienne Europe ont fait longtemps la force des Universités. Dans l’Allemagne unifiée, si Berlin est l’empire en même temps que la Prusse, Leipzig reste toujours la Saxe et Munich la Bavière.

« La question, disait Albert Dumont, est de savoir si la démocratie française trouvera pour les Universités des principes de vie différens de ceux que le passé a connus. » Ces principes, ce n’est pas de l’État qu’il faut les attendre. Quand il aura donné aux Universités toutes les libertés compatibles avec leur caractère d’établissemens publics, quand il leur aura garanti des subventions en rapport avec leur importance et leurs services, il serait chimérique à elles de lui demander la vie, parce que la vie ne s’ordonnance pas à distance comme un paiement, et parce que, pour naître, grandir et produire, il lui faut, sur un point donné, des germes, un milieu et des forces intérieures.

Or de tout cela, rien, a priori, n’est interdit par la forme de notre État moderne. Bien n’empêche qu’en dehors de ce cerveau qui est Paris, il ne s’organise de puissans ganglions. La centralisation a son contrepoids dans les départemens, dans les communes et surtout dans les individus. Pourquoi, sur certains points et, autour de ces points, sur des régions entières, départemens, communes et individus ne ‘contribueraient-ils, sous les formes les plus variées, à donner aux Universités aliment, substance et force ?

Pour cela, il faut tout d’abord que les Universités, outre leurs devoirs généraux envers le pays, sachent qu’elles ont des devoirs