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l’enseinement supérieur, mal logé, mal outillé, languissait à peu près partout dans les départemens. On pouvait alors, si l’on avait eu un plan d’ensemble bien arrêté, et si l’on s’était proposé, comme les faits y poussent aujourd’hui, de constituer sur certains points d’élection quelques Universités bien pourvues et bien dotées, tirer argument des charges de l’État et de la nécessité de n’éparpiller ni les ressources ni les forces. Qu’avaient fait alors la plupart des villes pour leurs Facultés ? Si peu qu’elles n’eussent pu sans invraisemblance crier à la spoliation. Mais aujourd’hui, c’est autre chose. On a pendant dix ans soufflé l’émulation entre elles ; on leur a demandé beaucoup pour l’enseignement supérieur, et elles ont donné beaucoup, les petites proportionnellement plus que les grandes, parce que, pressentant qu’un jour elles pourraient être menacées, elles sentaient bien aussi que leurs sacrifices seraient ce jour-là leur plus forte défense. Voilà des villes comme Grenoble, comme Caen, comme Rennes, pour n’en pas citer d’autres, qui ont dépensé des millions à bâtir des palais ou des ateliers à la science. Elles l’ont fait à la demande de l’État, avec l’aide de l’État. Entre elles et l’État, il y a contrat tacite, et, pour le rompre, il faudrait de ces nécessités publiques qui changent parfois l’assiette du droit. Sans compter que le jour où l’État viendrait à retirer ses Facultés de tel ou tel lieu, immédiatement y surgiraient des Facultés catholiques, les seules qu’ait enfantées jusqu’à présent la liberté de l’enseignement supérieur.

Il faudra donc une autre solution. M. Waddington, après la loi de 1875, en avait imaginé une qui avait le mérite de ne rien détruire, de ne rien supprimer. On eût fait de tous les établissemens d’enseignement supérieur, Facultés et Écoles préparatoires, disséminées sur tout le territoire, un certain nombre, assez limité, de groupes. Chaque groupe se fût appelé Université. Chaque Université eût eu comme un siège métropolitain et des sièges suffragans. C’eût été une sorte de système sidéral, avec un astre central et des satellites. Ainsi, l’Université de Paris eût compris autour des Facultés de Paris, les Facultés de Caen, l’École de médecine de Rouen et celle de Reims ; l’Université de Lyon eût englobé autour des Facultés de Lyon, celles de Grenoble, celles de Dijon, celles de Clermont ; l’Université de Montpellier eût fait graviter, autour des Facultés de Montpellier, celles de Toulouse, celle de Montauban, celles d’Aix, celle de Marseille, et jusqu’aux écoles d’Alger. Au centre de chaque Université, un chancelier, un curateur et un conseil, un conseil où eussent siégé deux fois l’an, des représentans-de tous les établissemens compris dans l’Université. De la sorte, tout était conservé et tout s’ordonnait autour de quelques points.