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réclamé. Condorcet en voulait trois, Guizot cinq, Victor Cousin pas davantage. Lisez et méditez ce fragment d’un discours de Cousin, perdu dans ses œuvres complètes et qu’il eût fallu graver sur un métal solide, dans le cabinet des ministres de l’instruction publique. « Il ne faut pas croire que l’homme éminent, M. Royer-Collard, qui, en 1816, a diminué le nombre des Facultés des lettres, ait pris cette mesure, comme l’a dit M.. le rapporteur, par pure économie. L’économie a pu être un des motifs, mais elle n’a pas été le fondement de cette décision. L’expérience avait prouvé qu’il n’était pas possible de multiplier les Facultés sans mettre en péril leur haute mission, qui est l’enseignement approfondi des sciences…. Ce n’est rien de créer des Facultés, il faut les faire grandes et fortes. Les éparpiller, c’est les annuler. Le principe incontestable en cette matière… c’est un petit nombre de grands foyers d’études, qui aient des professeurs éminens et beaucoup d’élèves. Multipliez les Facultés, vous abaissez l’enseignement et vous diminuez le nombre des élèves… Voulez-vous donc renouveler les Universités de Valenee et d’Orange ? Il vous plaira de créer une Faculté dans telle ville… Fort bien ; il suffit pour cela d’une allocation au budget ; mais il n’y a qu’un malheur, c’est que les grands professeurs, qui sont la vie des Facultés, vous manqueront ; et puis il n’y viendra pas d’élèves. Il faudra mettre les cours le soir, afin d’attirer les dames et un certain nombre d’hommes oisifs, qui viendront y chercher un délassement aux travaux de la journée. C’est là, messieurs, une Faculté d’agrément, c’est une sorte d’athénée où un bénévole auditoire vient écouter un frivole enseignement. Ce n’est pas là une institution sérieuse où se forme et s’élève la jeunesse d’un grand peuple. »

Est-ce d’hier ? est-ce d’aujourd’hui ? Mais que ce soit d’hier ou d’aujourd’hui, c’est vrai, aujourd’hui comme hier.

Je n’ignore pas qu’au ministère de l’instruction publique, il n’y a pas longtemps encore, ceux-là mêmes qui ont eu le plus à cœur le relèvement de l’enseignement supérieur et qui ont voué à cette noble tâche tout ce qu’ils avaient d’intelligence, de forces et de patriotisme, ont professé d’autres maximes. Je rends hommage à leurs grands services et à l’élévation de leurs intentions ; mais cela ne m’empêche pas de dire, sans hésitation et sans embarras, que, sur ce point d’importance capitale, ils ont fait fausse route. Ils s’étaient dit : l’empire d’Allemagne a vingt et une universités pour quarante-six millions d’habitans, et toutes sont prospères, toutes sont vivantes. Est-ce avoir trop d’ambition pour la France que de vouloir pour elle quinze ou seize, centres ? d’études ; supérieures ? Y renoncer, avant de l’avoir tenté, ce serait avoir « peu de souci