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ces corps qui deviendront à un instant donné des Universités ; » le même ministre enfin, l’an dernier, dans la plus solennelle des circonstances, à l’inauguration de la nouvelle Sorbonne, en présence du chef de l’État, de la France savante, du monde savant tout entier, donnant bien haut l’assurance que « la constitution universitaire ne serait pas refusée, avec tout ce qu’elle comporte, aux mieux faisantes et aux mieux agissantes » d’entre les Facultés ?


II

On dira : « C’est aller contre notre tradition. » — On le dira faussement. C’est y revenir. Non pas que j’évoque ici le souvenir de l’antique Université de Paris, qui fut si longtemps la grande clarté du moyen âge, ni celui de ces autres universités moins brillantes, qui s’éteignirent toutes ensemble il y aura bientôt cent ans. Je ne remonte pas au-delà de la Révolution ; mais je dis, et les faits m’autorisent à dire, que les conceptions qu’il s’agit aujourd’hui de réaliser viennent en droite ligne de la Révolution et que, dans tout le cours du siècle, jamais, sauf aux périodes de despotisme, elles n’ont cessé d’être un idéal pour les penseurs et pour les politiques.

À la veille de la Révolution, les universités de l’ancien régime agonisaient. L’esprit de la théologie, qui avait fait autrefois leur force et leur vie, ne les animait plus depuis longtemps déjà, et, à sa place, l’esprit nouveau, l’esprit de Descartes et de Newton, l’esprit de la science, qui aurait été pour elles un principe de renouvellement et de durée, n’avait pas pénétré en elles. La Révolution les supprima, et ce ne fut pas un grand vide. Ce qu’elle mit en leur lieu, ce furent, au premier degré, les Écoles centrales, et, au degré supérieur, des Écoles spéciales, vouées chacune à l’enseignement d’une science particulière, le Muséum d’histoire naturelle, l’École polytechnique, les Écoles de santé. Or rien de plus contraire à ses desseins et à ses projets que ces Écoles spéciales. Mais souvent, surtout en temps de révolution, les hommes proposent et les événemens disposent. Ce que les hommes avaient proposé était juste le contraire de ce que disposèrent les événemens. Qu’on lise les projets de Talleyrand à l’Assemblée constituante, de Condorcet à l’Assemblée législative, certaines séances de la Convention, les rapports de Briot (du Doubs), de Roger Martin et de Daunou au Conseil des cinq-cents, partout la même idée, la même conception générale de l’enseignement supérieur, conception issue, à n’en pas douter, de la philosophie encyclopédique et qui était alors