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nous avons des Universités, et quand la loi interviendra, ce sera non pour créer, mais pour confirmer et sanctionner.

Toute cette affaire aura été menée avec méthode et esprit de suite. Pour peu qu’on eût été aventureux, on pouvait tenter de faire les Universités beaucoup plus tôt. On le pouvait au lendemain même de la loi de 1875. La loi venait d’accorder aux Facultés libres le droit de prendre ce nom d’Universités, à la seule condition qu’elles fussent trois ensemble. Il eût paru tout naturel que l’Etat fît à ses propres établissemens le même privilège. On eut la sagesse d’attendre. Un projet de loi préparé par M. Waddington, et qui constituait sept Universités, ne fut même pas déposé. Il sembla que ni l’opinion, ni les Facultés elles-mêmes n’étaient encore prêtes à cette transformation. — On le pouvait en 1885, après cette enquête qui avait révélé chez beaucoup de Facultés, chez les plus vivantes et les plus agissantes, un vif désir de la constitution universitaire et un sens exact de ce qu’elle commande et de ce qu’elle peut donner. On attendit encore. On crut qu’il valait mieux mettre les Facultés à même de faire les preuves de leur vocation universitaire. On leur donna, pour les faire, une liberté qu’elles n’avaient jamais connue, des organes de vie commune entièrement nouveaux, et on leur dit : Vivez et agissez. Les Universités seront la fin, et elles seront la récompense.

Voilà cinq ans déjà que dure l’expérience, et sur plus d’un point elle a réussi au-delà des espérances les plus optimistes. Le moment de la consécration ne saurait tarder beaucoup. Peu à peu, nous sommes arrivés, à ce point qu’indiquait Paul Bert en 1874 : «… Si bien qu’un jour puisse venir enfin où il suffira de quelques articles de loi, ou même de quelques règlemens pour donner à ces Facultés d’une même ville une cohésion plus intime entre elles, une autorité plus efficace dans la gestion de leurs affaires, pour constituer en un mot ces centres universitaires dont tant d’esprits libéraux ont signalées avantages et réclamé la création. »

Il faut donc au fait surajouter le droit. Ce n’est pas, qu’on veuille bien le remarquer, simple affaire de mots ou vanités locales. Il ne faudrait pas dire : telles qu’elles sont aujourd’hui, avec leurs conseils généraux, nos Facultés ont un mode de vie comparable à celui des Universités de l’étranger ; elles n’auraient qu’un nom de plus le jour où elles deviendraient des Universités. Non ; aux groupes qu’elles forment aujourd’hui, il manque deux choses essentielles : l’unité et la personnalité. Ces groupemens se soutiennent sans doute, car ils reposent sur la bonne volonté et sur une espérance ; mais ils ne constituent qu’un état transitoire et non pas un état définitif. Chacun des élémens qui les constituent est