Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nécessaires à chacun, d’eux pour exercer avec compétence et dignité la profession qu’il aura, choisie ; mais ils apprendront aussi que ces connaissances ne sont que le fragment d’un tout, et qu’au-dessus d’elles il y a des idées générales auxquelles il faut s’élever pour penser par soi-même et librement.

Ils seront jeunes, parce qu’il est contre nature d’être vieux à vingt ans. Ils seront gais, parce que la gaîté est saine et parce qu’elle est française. Ils aimeront la vie, parce que la vie est bonne, et que le pessimisme n’est pas de leur race.

Ils apprendront que la science n’est pas la conscience, que l’esprit n’est pas la volonté, et que la volonté ne se règle pas de la même façon que l’esprit.

Ils apprendront qu’ils ont des devoirs envers leur patrie, le devoir militaire d’abord, puis le devoir civique.

Ils apprendront que leur patrie est un être vivant, qui ne peut vivre que par eux comme elle a vécu par leurs pères, qu’elle sera ce qu’ils voudront qu’elle soit, ce qu’ils seront eux-mêmes, faible s’ils sont faibles, forte s’ils sont forts ; qu’elle cesserait d’être s’ils venaient à s’abandonner ; et qu’au contraire elle continuera dans le monde sa mission de justice, de liberté et d’humanité, s’ils ont eux-mêmes la claire conscience de cette destinée et les énergies nécessaires pour en assurer le développement.

Ils apprendront aussi qu’ils ont des devoirs envers la démocratie, qu’ils doivent l’aimer, l’éclairer, la servir sans défaillance et sans bassesse, et que, s’ils sont les plus instruits, c’est pour être les meilleurs, et que les meilleurs sont les plus obligés.

Ils apprendront encore qu’il y a des devoirs sociaux ; que, dans la société, la nature et l’histoire n’ont pas fait à tous les parts égales, mais que les mieux partagés doivent aux autres bienveillance, justice et allégement.

Voilà ce qu’ont mis dans ce mot, Universités, tous ceux, qui l’ont pris pour mot de ralliement.. C’est beaucoup d’idéal, je n’en disconviens pas, car de l’idéal il en faut, et il en faut beaucoup, en tout pays, quand il s’agit de l’éducation de la jeunesse ; mais c’est moins d’utopie qu’on ne serait peut-être tenté de croire.

Qu’on veuille bien se rappeler nos précédentes études.. Entre ce qu’étaient, nos Facultés il y a quinze ans et ce qu’elles sont aujourd’hui, le contraste est saisissant. Elles ne vivent plus isolées ; elles font corps. En elles est né le sentiment de la solidarité intellectuelle et scientifique. Les décrets de 1885 ont été le produit de ce sentiment à sa naissance, et ils l’ont fortifié. Nos conseils généraux des Facultés ne diffèrent que par le nom des sénats des Universités étrangères : comme ceux-ci, ils sont des organes d’unité. En fait,