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cœur. Aussi est-ce de l’un et à l’autre un échange perpétuel, une exosmose et une endosmose continues. Tout ce qui se passe dans l’un retentit dans les autres ; rien de ce qui surgit de nouveau dans l’un n’est perdu pour les autres. Ainsi agencées, toutes les parties réagissent les unes sur les autres, les mathématiques sur la physique, la physique sur la chimie, la chimie sur la biologie, les sciences de la nature sur les sciences de l’esprit, les sciences proprement dites sur l’art et la littérature. Les milieux les plus propres à l’éclosion et là la diffusion des idées nouvelles sont sans contredit ces studia generalia, comme nos anciens appelaient leurs Universités, d’où n’est absent rien de ce qui peut être objet de savoir et de recherche, et d’où se dégage l’esprit complet et vivant de la science.

Nul milieu également qui soit plus propre à la culture des esprits. Sans doute, plus nous allons, plus le travail se divise et se subdivise. Le temps de l’éducation encyclopédique est passé, et l’éducation intégrale est une chimère. Mais si la division du travail s’impose chaque jour davantage, avec elle s’impose aussi de plus en plus la nécessité d’ouvrir aux jeunes esprits, avant l’heure de la spécialisation inévitable, e spectacle total de la science, si l’on veut qu’ils soient autre chose que des manœuvres intellectuels, et qu’ils comprennent la dignité de leur œuvre particulière, en sachant par quels liens elle se rattache au tout, et de quel esprit général elle procède. Personne ne le contestera pour les apprentis savans, pour ceux dont ce sera la mission d’ajouter quelque chose à la science. Ce n’est pas plus contestable pour ceux qui ne demandent à l’enseignement supérieur que les connaissances nécessaires à l’exercice d’une profession déterminée. Il faut qu’ils reçoivent la dose de savoir dont ils auront pratiquement besoin ; mais il faut aussi qu’ils emportent cette conviction qu’au-dessus de ces savoirs spéciaux et particuliers, il y a un esprit commun auquel tout aboutit et duquel tout dérive. Or cela, la Faculté isolée ne peut le fournir. Elle enseigne le droit, la médecine, les sciences et les lettres ; mais elle tient les esprits comme entre deux. murs, ne leur laissant voir qu’une bande de la réalité. Seule, l’Université qui enseigne tout, peut, sans cependant appeler les esprits à tout apprendre, leur donner la vision de la science entière, et leur faire sentir, au-dessus des divers départemens du savoir, leur coordination et leur unité.

Par là, les Universités ne sont pas seulement des foyers de science ; elles sont aussi des écoles d’esprit public. De tout temps les politiques les ont tenues pour telles. Vers la fin de la guerre de Cent ans, il était fondé des Universités, par des Anglais, à Bordeaux et à Caen, pour combattre l’influence française. Plus tard, il