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de Paris, malgré ses quinze ans d’indifférence, se montra respectueuse dans sa curiosité à contempler le saint pontife. Sa présence était évidemment un acte de l’autorité impériale et le sacre n’ajoutait rien au sentiment d’obéissance. Napoléon, en plaçant lui-même la couronne sur sa tête et en recevant seulement du pape l’onction, constata une fois de plus qu’il devenait empereur par sa propre volonté. Tous les préfets, tous les présidens de canton, les députés des conseils généraux, les présidens des cours de justice, avaient été convoqués à cette solennité.

Les fonctionnaires représentaient la nation.

Le pape ne fut pas libre de retourner à Rome après le couronnement. Il espérait que son voyage à Paris serait récompensé par quelques modifications des articles organiques ; il aurait désiré voir les légations restituées au saint-siège. Il s’aperçut bientôt, au contraire, qu’il n’était pas question de son départ et qu’on cherchait à obtenir de lui d’étonnantes concessions. Un jour, le général Duroc, grand maréchal du palais, lui parla, non pas officiellement, mais en conversation familière, de l’établissement de la papauté à Avignon ou à Paris. On mettrait à sa disposition un palais entouré d’un quartier privilégié ; elle garderait son caractère de souveraineté et recevrait les ambassadeurs accrédités auprès d’elle. À ces surprenantes paroles, le pape répondit :

— Nous avions prévu, lorsqu’on nous appelait à Paris, qu’on songerait peut-être à nous y retenir. Nous avons signé une abdication en règle, le cardinal Pignatelli en est le dépositaire. Quand vous exécuterez vos projets, il ne vous restera plus qu’un pauvre moine qui s’appellera Barnabé Chiaramonti.

Le soir même, le retour du pape était décidé.

L’empereur avait été reconnu par toutes les cours de l’Europe, sauf par la Russie. Mais M. Pitt rentrait au ministère, et allait sans doute rallier les puissances du continent pour faire diversion aux projets et aux préparatifs de descente en Angleterre. Napoléon se disposait donc à cette double guerre. Il commença par occuper le théâtre de ses anciennes victoires et à s’assurer de l’Italie. Il réunit Gênes à la France ; la république italienne devint le royaume d’Italie. Une longue négociation prépara cette annexion. Les Italiens demandaient un gouvernement et une administration séparés du grand empire ; ils consentaient à avoir pour roi Joseph, mais celui-ci ne voulait pas renoncer à la succession de l’empereur, son frère, dont il était l’héritier. Enfin, il fut décidé que Napoléon serait roi de l’Italie, et le prince Eugène de Beauharnais, le fils de l’impératrice, vice-roi.

Dans les premiers jours d’avril, Napoléon partit pour recevoir à