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la pensée d’une revanche, à la faveur des appréhensions présumées concernant les élections municipales et la manifestation ouvrière universelle du 1er mai.

Le coup n’a pas réussi. Le 3 pour 100, un instant ramené à 88.65, a été relevé en deux séances au-dessus de 89 et s’y est maintenu depuis. Le résultat du scrutin du 27 avril a facilité cette bonne tenue de nos fonds publics. On s’est décidé à marquer le pas en attendant que la journée ouvrière internationale ait donné ce qu’elle réserve. Il n’est que juste de reconnaître que le public financier, celui de la spéculation aussi bien que celui de l’épargne, ne s’est pas laissé un seul instant émouvoir par la pensée que cette échéance pût apporter le moindre démenti à sa sérénité.

A Londres a dominé pendant toute cette quinzaine une préoccupation d’un genre bien différent, se rattachant à la question du métal-argent. Depuis la réunion, en décembre dernier, du cinquante et unième congrès, les partisans de l’extension du monnayage de l’argent se sont mis à l’œuvre dans les deux chambres, et les derniers télégrammes d’Amérique annonçaient que les comités des groupes républicains avaient fini par se mettre d’accord sur un bill dont la clause principale est que le Trésor sera tenu d’acheter chaque mois 4 millions 500,000 onces d’argent, en représentation desquelles il émettra des Treasury notes ou billets du Trésor, jusqu’à concurrence de la valeur d’achat, et que ces billets seront remboursables aux guichets du Trésor en lawful money, c’est-à-dire en or, ou en certificats d’or, en green-backs, en monnaie d’argent ou certificats d’argent, au gré du porteur des billets.

D’après les télégrammes, le vote de ce bill serait assuré dans les deux chambres. Si l’on songe que jusqu’ici le Trésor ne monnayait que 2 millions dollars d’argent par mois, et que d’autre part le prix maximum auquel il serait autorisé à l’avenir à payer les barres d’argent est de 59 1/4 pence par once, soit presque la parité complète avec l’or à l’ancien taux légal de 15 à 15 1/2 pour 1, on comprend quelles perspectives de hausse sont ouvertes pour le métal-argent qui depuis plusieurs années était coté entre 42 et 45 pence, et s’est déjà élevé, depuis l’annonce du silver bill, à 49 pence.

On s’est un peu trop hâté de conclure à l’accord entre les partisans du bill dans les deux chambres. Les divergences de vues ne sont pas encore écartées complètement. La plus sérieuse est celle qui a pour objet la qualification des billets du Trésor émis en représentation des lingots d’argent achetés. Les sénateurs veulent que ces billets soient déclarés legal tender, les représentais résistent. Mais l’opinion générale, aux États-Unis et en Angleterre, est que ces difficultés seront aisément aplanies et que le désir est si vif d’aboutir chez tous ceux qui, de près ou de loin, se rattachent aux intérêts des propriétaires de mines