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à l’Hôtel de Ville, a disparu avant la fête, et Paris était hier appelé à élire un conseil nouveau. Paris, il faut l’avouer, a voté dans l’obscurité, au milieu d’une mêlée assourdissante de candidatures de toute sorte, sans trop savoir sous quels édiles il se réveillerait le lendemain. Quant à l’ancien conseil, il est mort comme il a vécu, laissant une assez mauvaise renommée. Ce triste conseil, pendant ses quelques années de règne, n’a représenté que l’illégalité, l’esprit de secte et de radicalisme anarchique, l’arrogance brouillonne, l’aggravation des charges. Depuis le premier jour, il a passé sa vie à s’agiter, se mettant en guerre avec le préfet de la Seine et le préfet de police, multipliant à outrance les laïcisations irritantes et ruineuses, s’érigeant en pouvoir politique, organisant même un jour la sédition, faisant en un mot de son omnipotence usurpée une sorte de tyrannie neutralisée tout au plus par une certaine indifférence publique. Il avait fini par se faire une administration irrégulière, un budget occulte, une caisse noire sans contrôle, — et comme couronnement de sa carrière il s’est laissé surprendre dans des arrangemens destinés à assurer aux conseillers municipaux eux-mêmes une part privilégiée dans les emprunts ! Ce qu’il y a de plus grave, c’est que tout cela a pu se passer sous l’œil indulgent et paternel du gouvernement complaisant ou complice. Tous les ministères en vérité se sont prêtés depuis quelques années à ces usurpations, à ce désordre organisé. Le conseil municipal a-t-il prétendu exclure M. le préfet de la Seine, le vrai maire de Paris, de l’Hôtel de Ville qui est sa résidence légale ? M. le préfet de la Seine a dû se morfondre à la porte et s’humilier en humiliant l’état qu’il représente ! Les conseillers municipaux ont-ils eu l’étrange hardiesse de s’attribuer eux-mêmes un traitement que la loi interdit ? on les a laissés libres de violer la loi et de se voter un budget personnel ! La cour des comptes a-t-elle signalé des irrégularités criantes ? l’Hôtel de Ville s’est moqué de la cour des comptes et le gouvernement n’a rien dit ! On a déclaré plus d’une fois qu’on voulait maintenir l’ordre et la loi ; quelle autorité morale peut-on avoir lorsqu’on a laissé depuis des années cette assemblée parisienne qui vient d’expirer passer audacieusement à travers toutes les lois ?

Quel sera maintenant ce nouveau conseil municipal qui vient d’être élu à Paris ? Il y a d’abord un fait certain, c’est qu’au milieu de toutes ces compétitions qui se sont produites autour du scrutin de dimanche, la compétition boulangiste n’existe guère plus : elle a à peu près disparu. La fortune du général Boulanger est décidément éclipsée ! En dehors de ceci, on peut d’autant moins préciser le caractère des élections nouvelles qu’il n’y a guère que vingt conseillers élus ; les autres, les trois quarts sont soumis à un ballottage. Quel que soit le résultat définitif, quels que soient les conseillers nommés ou à nommer, cependant une chose assez significative se dégage de ce tourbillon électoral ; on sent que l’esprit, les