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trouvent, en opposition avec l’esprit du temps et des hommes, mènent à la ruine et aux abîmes, que les passions doivent être gouvernées par la politique, que vouloir en l’an de grâce 1817 faire du clergé un pouvoir dans l’État était la plus chimérique et la plus dangereuse des entreprises, qu’un zèle excessif pour la religion perd les gouvernemens et l’Eglise avec eux. Le ; duc d’Angoulême écouta avec attention ce discours et parut l’approuver ; mais alors même qu’il approuve, un duc d’Angoulême ne comprend pas.

Cet ambassadeur d’un autocrate avait démêlé à merveille les règles et les nécessités d’un gouvernement constitutionnel. Autant qu’il était en lui, il cherchait à convaincre les Bourbons qu’ils, avaient un grand intérêt à assurer aux chambres une part considérable d’influence dans la confection des lois. Il s’efforçait aussi de leur persuader que la meilleure garantie pour : un souverain est un ministère responsable, homogène et solidaire, dont il respecte l’indépendance, et qu’on ne fait rien de bon sans l’unité dans le conseil. Au surplus, il pensait qu’avec les formes représentatives, l’art de gouverner n’est qu’une transaction continuelle entre les extrêmes pour se fixer à des termes moyens. « Il s’était plaint, dès l’année 1814, que l’éducation politique de la France était peu avancée, que la Convention et Napoléon avaient donné à son âme de mauvais plis, qu’accoutumée aux gouvernemens violens, elle était mal préparée à adopter les mœurs d’un gouvernement mixte, machine délicate à laquelle, sous peine de la fausser, il ne faut toucher que d’une main légère et discrète. « Il faudra du temps, écrivait-il, avant que les Français saisissent l’esprit de leurs institutions actuelles ; il y a beaucoup de noms sans valeur réelle et beaucoup de choses qui ne sont pas encore exactement nommées. » C’est un défaut et un malheur national ; nous avons toujours attaché trop d’importance aux mots, et Dieu sait pourtant si la destinée nous refuse les leçons de choses. « Le perfectionnement des lois organiques, écrivait-il encore, ne doit se faire que très lentement. Il est malheureux qu’il existe en France un nombre trop considérable de gens médiocres qui voudraient dicter un code entier tous les jours et qui voient la patrie en danger du moment où ils ne peuvent pas convertir en lois du pays leurs conceptions particulières et leurs projets de réforme. Cette secte agite l’esprit public, l’empêche de s’habituer à la patience et d’acquérir la force d’attendre, qui est la plus grande vertu et la plus essentielle des peuples libres. » Aujourd’hui encore, ne nous reconnaissons-nous pas dans ce portrait ? Sommes-nous de tout point mieux partagés ou plus sages que nos pères ? N’avons-nous pas comme eux nos intrépides codificateurs, aussi étourdis que médiocres, nos sectes et nos agités, qui nous empêchent d’acquérir la force d’attendre ?

Pendant les premières années de la seconde restauration, dans ce temps de confusion où choses et hommes avaient tant de peine à