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pourquoi, dira-t-on, s’en prendre à la république ? On oublie que le parti républicain a toujours été le premier à s’identifier avec la république, appelant imprudemment sur elle les coups qu’il eût dû en détourner. Dans une monarchie, il est de tradition de ne pas découvrir le roi ; dans la république, c’est le contraire : ministres, députés, préfets, candidats, à chaque bataille électorale, les républicains, loin de chercher à élever la république au-dessus des combattans, s’abritent systématiquement derrière elle, s’en couvrant comme d’un bouclier, sans se soucier d’en faire la cible des traits de l’ennemi.

Et pourquoi se seraient-ils gênés ? ils comptaient sur ce mot de république pour faire tout accepter du pays. Au lieu de faire des lois pour consolider la république en lui ramenant les hésitans, ils se servaient de son nom pour faire passer les lois que leur intolérance prétendait infliger au pays. Que leur importait d’entretenir la défiance d’une moitié de la nation ? Ils se croyaient assez forts pour n’en avoir rien à redouter : — « Nous pouvons tout nous permettre, sauf une chose : la guerre, » disait, devant moi, il n’y a que trois ans, un ministre de la république, et non l’un des derniers pour l’intelligence. Et il semblait avoir raison. La république n’était guère moins omnipotente que Louis XIV, quand il entrait au parlement un fouet de chasse à la main. Les républicains pouvaient tout se passer, au nom de la république ; mieux que celle de Richelieu, sa robe rouge couvrait tout. Le pays a cependant fini par trouver qu’ils s’en passaient trop. Il le leur a fait entendre à sa manière. Qu’y a-t-il de changé, depuis deux ans ? Une seule chose, c’est que, aujourd’hui, chacun sent que la république ne saurait tout se permettre. Et encore, la moitié de la gauche semble déjà en train de l’oublier.


II

Dans les fautes des douze dernières années, quelle part revient à la droite ? On a presque toujours, une part dans les fautes de ses adversaires. Doit-on, pour cela, rendre les conservateurs responsables d’une politique qu’ils n’ont cessé de combattre ? Non, on n’est pas forcément coupable de ce qu’on n’a pas su empêcher. Mais, aux yeux de plus d’un spectateur, les erreurs de la majorité ont été, en partie, provoquées par la minorité, par ses menaces sarcastiques, par ses interruptions énervantes, par son opposition incessante, par sa joie de faire pièce au gouvernement, par son ardeur à jeter bas les ministères. Dans les dernières législatures, dans la dernière surtout, les conservateurs auraient mauvaise grâce à soutenir que la droite de la chambre s’est toujours montrée calme,