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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril.

Si les partis qui divisent la France n’étaient pas éternellement incorrigibles ; si ceux qui les représentent au Palais-Bourbon et au Luxembourg ne perdaient pas tout sentiment de la réalité dans l’atmosphère factice qu’ils se créent dès qu’ils sont réunis ; s’ils gardaient à demi le don de voir clair autour d’eux, de démêler la vérité des sentimens publics, ils s’apercevraient bien vite que depuis six mois, depuis les élections dernières, ils ont perdu leur temps.

Ils l’ont assez misérablement perdu parce qu’ils n’ont su que recommencer leurs œuvres vaines. Les plus hardis, qui sont toujours les radicaux, ont essayé de ressaisir l’ascendant qu’ils sentaient leur échapper. Les timides, les prudens, qui sont toujours les modérés, ont craint de se montrer impatiens et d’être suspects de réaction. Les habiles ont louvoyé. Les uns et les autres ont tout paralysé par leurs divisions et leur impuissance. Ils n’ont su, dans ces derniers cinq mois de session, ni avoir une politique ni répondre aux vœux du pays, si bien que les vacances de six semaines qu’ils viennent de se donner pour se reposer de ce qu’ils n’ont pas fait, ressemblent à un soulagement. C’est peut-être triste à avouer pour ceux qui gardent le sentiment viril des libertés parlementaires, mais c’est ainsi ; on ne retrouve une certaine tranquillité, une tranquillité apparente et intermittente, si l’on veut, que lorsque les chambres sont séparées : au moins, pendant ce temps, on n’a pas les crises ministérielles pour les raisins secs, les interpellations qui ne font qu’embarrasser les affaires, les invalidations qui ne sont que des iniquités de parti, le spectacle perpétuel des incohérences de majorité et des faiblesses de gouvernement. On respire ! C’est l’histoire d’aujourd’hui. Au lieu de s’épuiser en débats décousus et stériles, les députés vont dans leurs conseils généraux, où ils peuvent retrouver l’influence calmante du pays. M. le