Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/909

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grande fête au palais de la Tauride, j’étais assise près de l’impératrice, le roi se tenait debout devant nous. La princesse Radziwill apporta à Sa Majesté un médaillon en cire représentant le roi de Suède. « Il est bien ressemblant, dit l’impératrice, mais M. le comte de Haga y paraît triste. » Le roi répondit avec vivacité : « C’est qu’hier j’étais encore bien malheureux. » Or la réponse favorable de la grande-duchesse ne lui avait été annoncée que le matin même.

« Après que la cour se fut installée au palais d’hiver, ordre fut donné d’arranger des fêtes et des bals en ville. Ce fut le procureur-général comte Samoylof qui inaugura ces festins. Le temps était encore beau. Plusieurs seigneurs russes et suédois attendaient sur le balcon l’arrivée de l’impératrice. Quand sa voiture parut, on vit un météore s’élever et disparaître au-dessus de la forteresse. Ce phénomène donna lieu à des conjectures superstitieuses. Après les premières danses, l’impératrice se retira avec le roi dans un petit salon et eut avec ce dernier sa première conférence relative au mariage. Elle lui remit un papier en le priant de le lire chez lui.

« Le comte de Stroganof aussi donna un bal que l’impératrice honora de sa présence. La négociation du mariage marchait au mieux, ce qui rendait Sa Majesté très gaie et encore plus aimable qu’à l’ordinaire. Elle m’ordonna de me placer en face des amoureux pendant le souper. Après que nous nous étions levés de table, l’impératrice me questionna et m’ordonna de lui faire part de mes observations. « La grande-duchesse, lui dis-je en riant, est tout à fait pervertie, le roi ne mange ni ne boit et se rassasie uniquement des yeux. » Ces folies amusèrent l’impératrice.

« Elle assista également à un bal donné par le comte de Cobentzel, ambassadeur d’Autriche, et à une fête qui eut lieu à la campagne du vice-chancelier, comte Ostermann. »


IV

Pour expliquer la marche de la négociation, la comtesse*** interrompt ici son récit, afin d’insérer des pièces de la plus haute importance. Elle les copie sur les originaux de la main même de l’impératrice et de celle du roi de Suède en ajoutant que ces documens lui avaient été confiés après la mort de Catherine. Pour bien comprendre la valeur historique de ces pièces inédites, nous remarquerons qu’on y voit l’impératrice à l’œuvre. Le but qu’elle