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déjà passablement usé, sur la caducité intellectuelle et physique des membres de la compagnie ; enfin, dans les ateliers, à quelques criailleries sans beaucoup d’écho au dehors, en tout cas sans influence sur le nouveau gouvernement. Celui-ci, d’ailleurs, en raison de son origine même, avait, — on le comprend de reste, — trop de difficultés politiques à vaincre, trop de périls extérieurs ou intérieurs à conjurer pour être en mesure, dès les premiers jours, d’écouter fort attentivement les plaintes de quelques mécontens réclamant des réformes dans l’organisation actuelle et dans le mode d’enseignement des beaux-arts, ou les argumens que les hommes d’un avis contraire auraient voulu faire valoir à leur tour. Aussi laissa-t-il de ce côté les choses suivre leur cours accoutumé. On avait bien pu, pour donner d’abord une certaine satisfaction aux aspirations, sinon aux exigences de l’esprit démocratique, supprimer, outre l’ordre de Saint-Michel, quelques fonctions officielles dont le gouvernement précédent avait revêtu des artistes, — celles, par exemple, de premier peintre, de premier sculpteur et de premier graveur du roi[1]. On avait bien pu, pour la forme, réunir quelques commissions chargées d’examiner de plus ou moins près des questions de détail ; mais aucune question de fond n’avait été mise à l’ordre du jour, aucun projet relatif aux attributions de l’Académie des Beaux-Arts, à l’organisation de l’Académie de France à Rome ou à celle de l’École des Beaux-Arts à Paris, n’avait été discuté, ni même produit. En un mot, on n’avait rien abordé encore de ce qui pouvait, dans la théorie ou dans la pratique, sauvegarder ou compromettre les intérêts essentiels de l’art, français ; on s’était contenté d’en soutenir tant bien que mal la vie présente, en ajournant à des temps plus calmes Tétrade des moyens propres à en assurer le renouvellement ou les progrès.


HENRI DELABORDE.

  1. Encore la suppression de ces charges de cour s’opéra-t-elle d’elle-même en quelque sorte, je veux dire par l’abandon spontané des titulaires. C’est ce que prouve, au moins quant à Gérard, la lettre suivante adressée par lui, presque au lendemain de la révolution de 1830, à l’un des administrateurs provisoires de la maison du roi : « Je n’ai pas cru, écrivait-il avec autant de dignité dans les sentimens que de modération dans les termes, devoir signer l’état d’émargement de l’administration du Muséum, qui m’a été présenté aujourd’hui. Le titre de premier peintre du roi, dont Louis XVIII avait bien voulu m’honorer et le traitement qu’il y avait attaché ne me semblent guère en harmonie avec le nouvel ordre de choses. Je n’ai aucune idée du parti qui sera pris à cet égard ; mais j’éprouverais un certain embarras à toucher les honoraires d’une place qui, n’ayant nulle sorte d’attributions, est, plus que toute autre, passible des réformes qui peuvent être projetées. »