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plus défectueuses, — la Mort de Sardanapale, Justinien dictant ses Pandectes, Marino Faliero, la suite des compositions lithographiées sur le Faust de Goethe, etc., — ont. été produites entre les années 1825 et 1830, c’est-à-dire dans, la période de temps où le parti révolutionnaire payait le plus ouvertement d’audace pour s’emparer de l’opinion. Les œuvres au contraire qui constituent les meilleurs titres de Delacroix et qui devaient un jour lui ouvrir les portes de l’Académie, — les peintures du Salon du roi, à la chambre des députés, et de la Galerie d’Apollon au Louvre, l’Entrée des croisés a Constantinople, Médée, d’autres encore, moins importantes par les dimensions, mais certainement aussi remarquables, la Noce juive par exemple et le Naufrage de don Juan, — n’ont été conçues et exécutées qu’après l’apaisement des querelles et le licenciement des troupes enrôlées pour les soutenir.

On peut donc sans exagération affirmer que le mouvement romantique, impuissant à rien fonder, a eu cet unique avantage de déblayer le terrain au profit d’artistes capables de l’occuper et de s’y maintenir à égale distance des deux partis qui venaient de s’y livrer bataille. Contrairement à ce qui s’était passé dans le domaine politique vers la fin du siècle dernier, ce furent les montagnards de l’art, pour ainsi dire, qui cédèrent la place et procurèrent le succès à des girondins comme Paul Delaroche et Decamps, ou comme ces jeunes paysagistes dont le talent sincère, affranchi une fois pour toutes du joug de la vieille école et des conventions, a revivifié un genre de peinture qui devait, de nos jours encore, fournir à l’art français une part de ses meilleurs titres.

Quant aux attaques dirigées contre l’Académie des Beaux-Arts au nom de ses prétendues victimes, quant à ces accusations de despotisme à l’égard des talens incompris, des génies indépendans. dont elle prenait à tâche, disait-on, d’entraver l’essor, — tout cela ne réussit guère à compromettre auprès du public la bonne renommée de la compagnie. Ce ne fut qu’un peu plus tard, à l’occasion des Salons successivement ouverts après 1830, que l’opinion ; s’émut ou parut s’émouvoir de certaines exclusions, parfois regrettables en effet, prononcées par l’Académie constituée alors en jury. Jusqu’à cette époque, personne, excepté les meneurs ou les complices de la sédition, ne fit mine de suspecter l’impartialité d’un corps dont un passé déjà long avait d’ailleurs hautement révélé les coutumes et justifié de plus en plus les privilèges. Enfin, — on ne saurait trop le répéter, — les choix faits par l’Académie avant ou pendant les luîtes engagées au dehors entre les partis n’étaient-ils pas la meilleure réponse à ceux qui lui reprochaient ses doctrines et ses pratiques intolérantes ? S’il fallait aux noms que nous avons cités plus haut en ajouter d’autres d’une signification aussi peu