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DU
DANUBE A L’ADRIATIQUE

V.[1]
LA DALMATIE.


I

De grandes forêts silencieuses, où le tronc lisse du hêtre remplace le sapin rugueux, des rocs, puis encore des rocs, tout vibrans de chaleur sous un soleil de plomb, des rocs taillés en murailles, en bastions, en courtines, avec des crêtes menaçantes et des aplombs invraisemblables ; et, par-dessus cette forteresse, déjà faite à la mesure d’un Titan, une autre, puis une autre encore, élevant jusque dans les nuages une tête orgueilleuse ; — en bas, l’écheveau des vallées, sillons étroits creusés dans le bleu intense d’un horizon de montagnes nues : trois cimes blanches qui semblent tourner sur elles-mêmes et vous suivre du regard : telle nous est apparue l’Herzégovine dans une course rapide. De pauvres villages musulmans dressent leur minaret au-dessus d’un tas de masures sordides, des marmots en guenille aux cheveux en broussaille, à la peau tannée, tendent la main devant les auberges, et la province entière, par leur voix, semble crier famine. Puis

  1. Voyez la Revue du 1er janvier.