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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra : Ascanio, opéra en 5 actes et 6 tableaux, d’après le drame Benvenuto Cellini de M. Paul Meurice, paroles de M. L. Gallet, musique de M. C. Saint-Saëns.

S’il faut tourner sept fois sa langue avant de parler, combien de fois tournera-t-on sa plume avant d’écrire, avant de formuler, je ne dis pas avec certitude, mais avec assurance, une opinion, même la plus modeste et la plus respectueuse de toute opinion différente ou contraire ? Que ne peut-on, avant d’apprécier une œuvre nouvelle, attendre un peu, et par un peu c’est seulement une dizaine d’années que je veux dire ! Je sais bien que beaucoup d’œuvres, elles, n’attendraient pas. Ce serait tant pis pour celles-là et tant mieux pour nous. À l’égard des autres du moins, la tâche nous deviendrait facile et le temps, maître de notre goût aussi bien que de notre cœur, le temps, qui nous aide à souffrir, nous aiderait à comprendre.

Nous nous disions tout cela après la répétition générale d’Ascanio. Le public n’avait pas fait au nouvel opéra d’un grand musicien l’accueil que nous lui souhaitions et que, selon nous, il mérite. Des jugemens autorisés avaient démenti le nôtre, et alors, nous défiant d’autrui, nous défiant de nous-même, nous craignions que notre opinion personnelle se heurtât vainement et se brisât peut-être à l’opinion de tous. Celle-ci, par bonheur, semble avoir changé : la représentation