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provinces. L’industrie de la laque paraît avoir atteint son plus haut degré de perfection à la fin du XVIIe siècle, quand le gouvernement du shogoun (taïkoun) brillait de toute sa splendeur. L’ébranlement, puis la destruction de la féodalité, ont mis à l’épreuve ces arts délicats qui vivaient des commandes de la classe élevée : divers procédés se sont perdus. Dernièrement l’ouverture du commerce du monde a offert un débouché compensateur : les Expositions universelles d’Europe et d’Amérique, et les demandes des peuples européens ont réveillé les productions japonaises de céramique, de métal et de soie. Celle de la laque paraît avoir plus souffert. Kioto, l’ancienne capitale du mikado, surpasse toutes les autres cités pour les industries de la soie et des métaux. Tokio, capitale anciennement du shogoun et aujourd’hui du gouvernement impérial, avec le port voisin de Yokohama, sont les principaux centres de l’industrie de la laque et de l’ébénisterie. On trouve aussi à Kioto des manufactures de poterie et de porcelaine. Cette dernière industrie est en ce moment très florissante. Pour le premier trimestre de 1889, l’exportation s’en est élevée à 520,000 yens, plus de 2 millions et demi de francs ; ce sont les Américains qui sont les meilleurs cliens pour cet article, les Anglais et les Français viennent après, et beaucoup plus loin les Allemands. L’industrie de la laque, quoique encore assez animée, a pâti des articles défectueux que l’on avait faits depuis quelques années. Les objets de bronze, les cloisonnés, dont la demande s’était alanguie il y a quelque temps, par suite aussi d’une fabrication plus négligée, ont regagné la faveur de l’Europe, après des efforts pour un retour aux objets plus finis ; les prix ont augmenté en 1889 de 30 pour 100. Ici, c’est l’Angleterre et la France qui sont les principales clientes. L’Amérique ne vient qu’après[1]. Le Japon a éprouvé que son intérêt est de conserver à ses menus produits artistiques toute leur élégance, toute leur perfection, et qu’en en rabaissant la qualité il éloigne, sans compensation, les amateurs éclairés.

Une forte discipline industrielle a contribué depuis plusieurs siècles à l’habileté de l’ouvrier japonais. Il travaille en général chez un maître artisan : ce sont de petites manufactures domestiques qui n’occupent jamais plus de vingt ou trente personnes, dont beaucoup sont des apprends. Longue est la période d’apprentissage. Dans l’industrie de la peinture sur laque, elle se prolonge huit à neuf ans. Même dans le métier commun de charpentier, l’apprentissage, en certaines provinces du sud, prend cinq à sept

  1. Nous extrayons ces renseignemens des Lettres du Japon, la Situation politique et économique, publiiez par un Japonais, M. T. Ourakami, dans l’Économiste français.