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herbagère est négligée, le bétail presque absent ; le pays ne se prête pas, paraît-il, à la race ovine, l’engrais manque. Il n’y a que peu de spécialisation de la culture et de division du travail ; la main-d’œuvre est gaspillée. Tels sont les reproches de M. Yeijiro Ono.

Ce n’est pas au gouvernement qu’ils s’adressent ; celui-ci prend beaucoup de peine pour introduire dans l’archipel les méthodes occidentales. Dans presque tous les districts, il a fondé des fermes modèles ou des jardins d’essai ; il achète des semences étrangères et les fait venir ou les alloue en subvention aux cultivateurs ; il multiplie les expositions et les concours. Il a institué des collèges et des écoles d’agriculture. Il engage des étrangers comme professeurs agricoles ou comme contre-maîtres de cultures. Il fait traduire les ouvrages théoriques et les répand. Près de Tokio, on a institué une ferme modèle de 215 acres (90 hectares environ). Le général Capron, un Américain, semble-t-il, y a fait planter beaucoup d’arbres à fruit d’Amérique, en même temps qu’il y introduisait et y multipliait d’excellens échantillons de chevaux, de taureaux et vaches, de porcs et de moutons. Les riches citoyens s’intéressent aussi à ces sujets et quelques-uns imitent les lords anglais du XVIIIe siècle, qui transformèrent à ce moment l’agriculture britannique. Les journaux qui se consacrent aux questions de commerce ou d’agriculture sont au nombre de plus de cent. Bref, les encouragemens officiels, de grands efforts didactiques s’appliquent à l’amélioration des méthodes culturales. Les résultats sérieux doivent, toutefois, être attendus d’autres causes : l’allégement des taxes foncières, énormes, puisqu’elles vont jusqu’à 75 francs par hectare en culture, le perfectionnement des voies de communication et le développement même du commerce extérieur. M. Yeijiro Ono espère beaucoup d’un autre facteur, la substitution de la grande culture à la petite ; mais peut-être va-t-il trop loin. La petite culture n’est pas si méprisable, quoiqu’il lui faille l’aiguillon et l’exemple de la culture moyenne et de la grande. M. Yeijiro Ono devrait un instant quitter les États-Unis pour les Flandres.


III

L’industrie existe au Japon, comme dans toute société. Elle y prend des formes particulières : elle s’est épanouie, conformément au génie national, dans deux ou trois branches. Mais les modernes ne veulent plus considérer comme industries, à proprement parler, que certaines productions gigantesques, faites dans de vastes exploitations et destinées à satisfaire, directement ou indirectement, les besoins les plus communs de la vie. Le Japon peut-il devenir une