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encore quelques récoltes accessoires. Les agriculteurs, dans les districts à mûrier, élèvent en même temps, pour la plupart, les vers et dévident la soie. L’aspect de ces campagnes, qui occupent les plaines et les plateaux de médiocre élévation de la principale île, est tout autre que celui des campagnes à riz. La propriété y est moins divisée. On y rencontre d’assez vastes domaines et une organisation plus développée du travail manuel. Dans la saison des vers à soie, de mai à juillet, il est beaucoup de propriétés qui emploient quarante à cinquante hommes, femmes ou filles, à cueillir les feuilles de mûrier, les couper, nourrir les vers, et, quand les cocons sont à leur plein développement, les faire bouillir et les dévider. Les instrumens, nous dit M. Yeijiro Ono, sont de l’ordre le plus primitif, et les travailleurs eux-mêmes médiocrement habiles. Peut-être, dans ce jugement sévère, y a-t-il un peu du préjugé de l’Américain, qui dédaigne tout travail où la machine compliquée ne joue pas un rôle. L’élève des vers à soie, dans les conditions présentes, reste toutefois, suivant notre auteur japonais, une occupation accessoire de la classe rurale.

Moins importante que celle du mûrier, la culture du thé s’offre encore comme très lucrative et gagnant beaucoup de terrain dans l’archipel. Nous autres, hommes du Midi de l’Europe, nous nous sommes imaginé que la grande boisson du genre humain est ou doit être le vin ; l’erreur est manifeste : la boisson qui, chaque jour, tend à se répandre davantage dans l’humanité, c’est le thé. Les Asiatiques, les Russes, les Anglo-Saxons, toutes races qui pullulent et qui émigrent, sont les adeptes du thé. Or la moitié des consommateurs de cet article habitent des contrées qui sont rebelles à sa production. Il s’ouvre ainsi un avenir presque sans limites à la culture du thé. Ce sera pour l’Asie, — non-seulement la Chine, mais l’Inde, mais notre Tonkin, mais le Japon, — une source abondante de richesses. Un jour peut-être on s’efforcera d’introduire le précieux arbuste dans quelques contrées de l’Afrique et de l’Amérique : il s’en est fait quelques timides mais insuffisans essais. L’Asie en tient encore pour longtemps le monopole.

L’action stimulante du commerce étranger a fait plus que doubler, de 1878 à 1886, la production du thé au Japon, la portant de 23 millions de livres à près de 57 millions et demi. Les sols les plus recherchés pour l’arbuste sont les coteaux abrités, quoiqu’il fleurisse aussi dans les plaines, le long de la mer. L’arbuste, haut de quatre ou cinq pieds, est planté en lignes, soigneusement élagué et taillé ; le sol est fumé avec des plantes marines ou des tourteaux. Il faut, dans toutes les saisons, un soin assidu pour cette plante délicate. Les feuilles tendres qui paraissent à la fin du