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à soie. Avec cet ensemble de ressources, ce petit propriétaire de 2 hectares mène une vie paisible et satisfaite : il envoie ses garçons à l’école, et il passe, aux yeux des hommes de sa classe, pour un homme aisé, a man of fortune. Beaucoup d’autres ne possèdent que des domaines plus petits : beaucoup aussi ne les exploitent que comme tenanciers. Ainsi que dans tous les pays de petite culture et de population dense, la location de la terre est très élevée : le fermage monte jusqu’à 24 boisseaux de riz par acre, ou 21 hectolitres par hectare, plus des deux cinquièmes, près des deux tiers de la production, mais alors le propriétaire prend à sa charge les impôts, qui, on l’a vu, sont énormes. Quant aux salaires des ouvriers à la journée, ils varient considérablement d’une province à l’autre, le Japon étant encore, au point de vue économique, un ensemble de petites sociétés localisées. La moyenne, toutefois, d’après M. Yeijiro Ono, peut être évaluée à 18 sens (0 fr. 90) pour les meilleurs ouvriers, et à 12 sens (0 fr. 60) pour les meilleures ouvrières, la nourriture en plus, mais une nourriture très sommaire et bien peu coûteuse. L’ouvrier agricole loué à l’année gagne en moyenne 30 yens, ou 155 francs. Les gages agricoles, dont on peut apprécier cependant la modicité, sont, paraît-il, plus élevés que ceux des autres professions.

Les grains ne sont pas les seuls notables produits de l’agriculture japonaise ; outre les fruits et les légumes divers, il faut signaler, comme articles de première importance, la feuille de mûrier, qui nourrit le précieux ver à soie, le thé, le coton et le sucre. Les deux premiers importent surtout à toute l’économie du Japon : ce sont eux qui déterminent, en quelque sorte, le commerce extérieur du pays. En 1887, l’exportation de la soie du Japon a valu, en chiffres ronds, 22 millions de yens ou 110 millions de francs, approximativement ; celle du thé atteint 7,600,000 yens ou 38 millions de francs, ces deux articles, à eux seuls, constituant une exportation de 148 millions de francs, environ 58 pour 100 de toute l’exportation japonaise. Le mûrier réussit, à des degrés divers, dans presque toutes les provinces de l’archipel ; son lieu d’élection est entre le trentième et le quarantième degré, ce qui embrasse presque toute l’île principale de Hondo. On plante les arbustes dans les sols secs et légers, en lignes espacées de dix à douze pieds. Dès la troisième année, ils commencent à donner, et sont en pleine production de huit à neuf ans ; c’est une précocité plus avantageuse que celle des mûriers du midi de la France. On estime la récolte à 100 ou 150 yens par acre, environ 1,200 à 1,800 francs par hectare, rémunération singulièrement abondante si, comme il est probable, elle n’est pas ici surélevée. Entre les lignes d’arbres, on fait