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encore, au régime féodal : quantité énorme de terres publiques, propriété familiale assujettie à des redevances diverses, tenure incertaine et précaire, poids écrasant des impôts ou charges diverses. Le gouvernement s’est préoccupé de constituer la propriété privée à la mode occidentale, d’uniformiser, et, quand il le pouvait, d’alléger la taxation. Une loi de réforme de la taxe foncière fut édictée en 1873, complétée en 1880 ; d’autres dispositions en 1876, tout récemment encore, en juin 1889, s’efforcent de mettre l’agriculteur plus à l’aise. Il n’y est guère aujourd’hui. On lui a accordé le droit d’acheter et de vendre la terre, excepté aux étrangers. L’impôt en nature a été converti en un impôt en argent gradué sur la valeur vénale de la terre. C’est le système que voulait propager en Europe feu Ménier et qui ne paraît pas supérieurement réussir au Japon. Le socialiste américain Henri George pourrait se rendre aussi dans cet archipel pour y étudier l’application d’un système qui ne s’éloigne guère du sien. Le taux de la taxe nationale fut fixé à 3 pour 100 de la valeur de la terre, et celui de la taxe locale à 1 pour 100, soit ensemble à 4 pour 100. Quelques années après, on dut réduire à 2 1/2 pour 100 de la valeur de la terre le montant de la taxe nationale et à 1/2 pour 100 celui de la taxe locale : l’agriculteur ne paie plus ainsi, et c’est encore énorme, que 3 pour 100 de la valeur de la terre. Il faut que le taux de l’intérêt soit élevé et que le denier auquel on capitalise la terre soit très bas pour que, dans ces conditions, l’agriculteur puisse encore cultiver. Des dispositions furent prises par la loi pour l’estimation, en dehors de tout arbitraire, de la valeur légale du sol, laquelle servait ainsi d’assiette à la taxe foncière. Tous les six ans, il devait y avoir une évaluation nouvelle.

Quelque rigoureux que fût tout ce système, il avait du moins une base permanente et fixe : le paysan labourait son propre champ, il savait d’avance la somme qu’il devrait abandonner au fisc, ce fut assez pour qu’il ne tombât pas dans le désespoir. La petite propriété, même la très petite, est le régime terrien du Japon. Néanmoins, la plus grande partie des terres est encore publique. Le rapport du ministère de l’intérieur, en 1888, indique 46,669,000 acres (environ 18,700,000 hectares) de terres publiques contre 32,914,000 acres (13,200,000 hectares environ) de terres privées. Il est vrai qu’une grande partie des premières est située dans l’île septentrionale et encore barbare de Yéso ou d’Hokkaido, ou bien dans le nord, encore peu florissant, de la principale île, Hondo. Néanmoins, même dans les districts très peuplés du sud, on trouve encore fréquemment les deux tiers du sol non cultivés. D’après une autre statistique ministérielle, la culture du riz, la plus productive de toutes,