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plupart des Français touchent des rentes sur l’État. Die Leute sagen : wenn der Staat zu Schaden geht, dann verliere ich meine Rente ; und wenn es nur 40 Franken sind, se mage er sie nicht verlieren, und er hat Interesse für den Staat. Malheureusement pour cet argument, malgré la multiplicité des rentiers, nulle part la forme du gouvernement n’est moins stable qu’en France. En Allemagne, l’exiguïté de la pension offerte aux invalides, après de longues années de contribution à la caisse d’assurance, aura pour effet inévitable d’amener les ouvriers assurés à exiger une augmentation des rentes, moyennant une participation plus large de l’Etat. Cette augmentation sera réclamée avec d’autant plus de force que le gouvernement a présenté la subvention de l’empire comme une mesure d’intérêt public et une garantie de conservation sociale. Les déclarations formelles des députés démocrates socialistes ne laissent subsister aucun doute à cet égard.

Una majorité de 185 contre 165 voix a donné force de loi au projet du gouvernement, sans modification importante. Malgré cette majorité, bien faible d’ailleurs pour une institution de pareille portée, personne n’a été réellement satisfait du vote, sinon le gouvernement même. Parmi les députés qui ont donné leur voix au projet officiel, il en est assurément beaucoup dont l’intelligence n’a pas été éclairé suffisamment. On a bien parlé de l’accord de la commission chargée de l’examen du projet arrêté à la chancellerie impériale. Mais cet accord, suivant la remarque très fine d’un orateur de l’opposition, a été surtout « un accord dans la résignation : Ubereinstimmung in der Resignation. » La résignation en regard d’une loi de cette importance, et qui engage dans une si forte mesure les intérêts vitaux de la nation, ne doit pas suffire cependant pour justifier le vote émis. Une complaisance sans conviction n’affermit ni les gouvernemens ni les intérêts conservateurs, que cette complaisance veut servir. Mieux valent les résistances d’une opposition loyale bien éclairée. Or, cette opposition, en butte aux reproches les plus amers du chancelier de l’empire, a rallié des partisans parmi toutes les fractions du Reichstag, jusque dans les rangs des conservateurs les plus dévoués à la monarchie. Ceux-là ont particulièrement froissé et aigri l’humeur du maître par leurs velléités d’indépendance. Tour à tour impératif ou insinuant, le prince de Bismarck a supplié ses fidèles de ne pas le contrarier par des sauts pareils : Machen sie solche Sprünge nicht ! Voter avec les Polonais, les Guelfes hanovriens, les Français d’Alsace, pour ne pas parler des démocrates socialistes et des progressistes, n’est-ce pas une défection ?

Grâce à cet effort suprême, le gouvernement regagna une majorité hésitante. L’appoint de voix nécessaire a été donné par une