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différens États s’appliquaient à rendre les changemens de domicile plus difficiles. Malgré la communauté d’origine, de langage et de mœurs, un habitant d’un pays allemand ne pouvait à son gré transférer son domicile dans un autre pays allemand, en dehors du territoire natal. Subordonné au bon plaisir du souverain, le changement n’était pas libre, à cause des charges imposées à l’assistance publique par l’admission de sujets sans ressources. Un Saxon, établi en Prusse, n’acquérait pas par le fait les droits d’un sujet prussien, pas plus qu’un Prussien allant demeurer en Saxe ne jouissait, sans autre formalité, des droits d’un sujet saxon.

La raison politique a amené les promoteurs de l’unité nationale à effacer les différences territoriales et à remplacer les droits d’usage locaux par une législation commune à l’Allemagne entière, pour l’assistance ordinaire comme pour les assurances ouvrières. En l’espace de moins de quatre années, depuis la formation de la confédération de l’Allemagne du Nord jusqu’à la guerre de France, le gouvernement prussien a imposé tout d’abord à ses confédérés, dans cet esprit unitaire, comme préludes de la reconstitution de l’empire : la loi du 12 octobre 1867 sur les passeports ; la loi du 1er novembre 1867 sur la liberté de domicile ; la loi du 4 mai 1868 pour l’abolition des mesures de police entravant le mariage ; la loi du 21 juin 1869 sur le code industriel ; la loi du 3 juillet 1869 sur l’égalité civile de différentes confessions religieuses ; la loi du 1er juin 1870 sur la perte et l’acquisition de la nationalité ; enfin, la loi du 6 juin 1870 sur le domicile de secours. A quelques faibles exceptions près, ces lois successives ont été étendues à tout le ressort de l’empire et se retrouvent en partie dans les dispositions de la constitution proclamée le 16 avril 1871. Quant aux lois ouvrières votées par le Reichstag depuis la proclamation de cette constitution, elles n’admettent aucune exception pour un district quelconque de l’Allemagne.

Secours assurés à tous les sujets de l’empire dans le besoin ; intervention du district administratif, où le besoin se manifeste, pour le paiement des secours quand l’indigent n’a pas de domicile fixe, tels sont les principes essentiels de l’assistance publique en Allemagne, complétés maintenant par les institutions d’assurances. C’est là le droit écrit, la doctrine exprimée par la loi en vigueur, suivant laquelle aucun citoyen allemand ne doit manquer du nécessaire, lorsque les ressources personnelles ou celles de sa famille lui font défaut. Dans la pratique, malheureusement, les mesures stipulées pour l’exécution de la loi ne répondent pas à ces obligations ou restent tout au moins insuffisantes. L’idée unitaire a bien triomphé des résistances des petits états par la transformation du droit prussien en une loi d’empire. En faisant abstraction de ce