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être fournies par la caisse de l’empire à la suite d’un simple vote du Reichstag, les démocrates socialistes entraîneront naturellement la masse des électeurs, en exigeant des députés la promesse de pensions plus élevées au compte de l’Etat. Si le gouvernement impérial résiste à ces exigences, nous verrons s’ouvrir entre lui et les représentans des ouvriers une ère de conflits auxquels la nation allemande n’a rien à gagner. Au lieu d’assurer la paix sociale, l’institution qu’une politique autoritaire et exclusive attendait pour raffermissement de l’empire deviendra fatalement un brandon de discorde.

Une entente était possible pour établir le service des pensions aux ouvriers invalides, de manière à compléter l’œuvre des secours aux malades et des indemnités en cas d’accident, afin de garantir les familles sans ressource contre la misère imméritée. Il suffisait de renoncer au principe de la subvention de l’Etat, en laissant l’administration des caisses de retraite obligatoires aux intéressés directs, patrons et ouvriers, chargés d’en supporter tous les frais. L’assurance contre la maladie et contre les accidens a été organisée ainsi et fonctionne bien, comme nous l’avons montré ici même. A l’origine, le prince de Bismarck voulait inaugurer son régime de socialisme d’État en faisant également de l’assurance contre les accidens un office de l’empire, subventionné par lui. Pourtant, la majorité du Reichstag d’alors repoussa le principe de la subvention, et le chancelier consentit à modifier le premier projet, renvoyé au gouvernement à deux reprises pour subir des remaniemens complets. Tout autrement pour le projet sur l’assurance contre l’invalidité : celui-ci a dû être voté dans le cours d’une seule session, sans préparation suffisante. Non-seulement le prince de Bismarck a tenu à imposer la subvention de l’Etat et à taire de la caisse des retraites une institution de l’empire, mais il a encore combattu de toutes ses forces le renvoi du projet de loi à une autre session pour y introduire des correctifs. Ajourner l’adoption, c’était enterrer l’affaire, car, disait le chancelier, « qui vous affirme que, dans un an, nous pourrons nous occuper de cette question, pour laquelle Dieu nous accorde encore en ce moment le loisir nécessaire ? »

Le message de l’empereur Guillaume 1er , adressé au Reichstag le 17 novembre 1881, s’exprime, sur le but de la législation sociale allemande, en ces termes : « La guérison des maux sociaux ne doit pas être cherchée seulement dans la répression de la propagande socialiste, mais aussi dans l’amélioration réelle de la condition des ouvriers. Nous considérons comme notre devoir impérial de recommander au Reichstag de prendre cette obligation à cœur, et nous apprécierons avec d’autant plus de satisfaction tous les succès par lesquels Dieu a visiblement béni notre règne, si nous pouvons jamais