Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/595

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui visita ces ruines au mois d’avril 1860, quand ils nous disent que Ctésiphon et Séleucie étaient séparées par le Tigre. » Fondée par Séleucus Nicator, Séleucie était à cheval sur le fleuve, ou plus exactement sur le Nahr-Malka — le canal royal.

Grégoire de Nazianze semble avoir confondu Carrhes et Séleucie. Il nous décrit, Carrhes, l’ancienne ville mentionnée par Arrien, comme « une forteresse séparée de Ctésiphon par le Tigre. » Ces deux villes, ajoute-t-il, sont « aussi importantes l’une que l’autre ; elles peuvent être regardées comme une seule cité coupée en deux par le fleuve. »

D’après M. Lejean, l’enceinte même de Séleucie n’a jamais pu renfermer plus de 30,000 âmes, et les 500,000 ou 600,000 habitans que lui prêtent les historiens occupaient probablement la banlieue. Lorsque le roi parthe Ardawan, renonçant à faire renaître de ses cendres Séleucie, incendiée par les généraux de Trajan et par ceux de Lucius Verus, prit le parti de bâtir une nouvelle ville sur la rive gauche du Tigre, il voulut conserver à la cité dont il allait faire, sous le nom de Ctésiphon, sa capitale, un côté commun avec les débris de l’antique capitale des Séleucides. Située au sein du plus fertile district de la Chaldée, « au milieu d’une verdoyante campagne, couverte de vignobles et de vergers, » Séleucie-Ctésiphon, — Madaïn (les villes) comme l’appelèrent plus tard les khalifes, — renferma bientôt une population plus considérable que celle d’Antioche, la grande cité syrienne. Les rois parthes en firent leur résidence d’hiver. On sait qu’ils habitaient Ecbatane en été, — l’Ecbatane de l’Hyrcanie et non celle de la Médie.

Maître des deux forteresses qui lui avaient jusqu’alors barré le passage, Julien, s’il se fût d’abord attaqué à Séleucie, se serait gratuitement imposé la tâche de deux sièges au lieu d’un. La prise de Ctésiphon, en communication avec toutes les réserves de l’empire sassanide, faisait tomber du même coup les deux cités jumelles : Ctésiphon, au contraire, pouvait très bien survivre à la chute de Séleucie. C’était donc Ctésiphon qu’il fallait investir. L’opération était tout indiquée. Pour la concevoir, pas n’était besoin du génie d’un grand général. Seulement l’investissement de Ctésiphon exigeait avant tout le transport de l’armée sur la rive gauche du Tigre. Là gisait la grosse difficulté. Le Tigre, à la hauteur de Bagdad, n’est pas de ces fleuves que l’on puisse passer à gué. L’armée perse rangée en bataille, présentant un front imposant, n’eût guère permis d’ailleurs de prendre pied en groupes détachés sur la rive. Sans sa flottille, jamais Julien n’eût franchi un pareil cours d’eau. Il eut l’heureuse idée, pour faire descendre ses barques, ses radeaux, ses galères, jusqu’au Tigre, d’utiliser